Martin Léon : Atomes crochus
Musique

Martin Léon : Atomes crochus

L’excellent Martin Léon pose avec Les Atomes le quatrième jalon de son oeuvre chansonnière. Toujours sensuelle, hypnotisante et groovy à souhait.

Il aura fallu à Martin Léon moins d’une décennie pour se hisser au sommet de la musique québécoise. Mine de rien, avec une constante légèreté, ses chansons se glissent en nous, incitent au bonheur d’être en présence d’un grand artiste, d’une rare finesse. On tombe à la renverse devant une parole drôle ou bien tournée, devant un rythme envoûtant. La grâce, c’est que l’artiste demeure abordable, presque humble.

Heureux Martin, au bout du fil pour présenter Les Atomes, il est comme un enfant à Noël. Son cadeau le plus beau, le plus inespéré, c’est son album. Son quatrième en solo, après Ann Victor. L’an passé, il faisait paraître Moon grill, un CD en semi-public qui est peut-être un des plus puissants albums québécois des dernières années. Pas surprenant que l’auteur-compositeur-interprète ait remporté le Félix du meilleur arrangeur au dernier Gala de l’ADISQ: "Les arrangements sont au coeur même de ma création. On vient souligner mon travail dans le germe, dans ce que je suis. Ça fait un petit velours, mais ça ne change pas ma vie. C’était quand même ma seizième nomination!" raconte-t-il en riant. Seize fois nommé, première victoire.

On est surpris d’avoir si rapidement des nouvelles de Martin Léon. Il nous avait habitués à patienter. Cinq ans entre le premier, Kiki BBQ, et le deuxième, Le Facteur vent (2007). Il aimait prendre son temps et attendait d’avoir des choses à dire. Pourquoi publier pour publier? Mais cette fois-ci, le temps raccourcit: "Il n’y a pas d’urgence. J’y vais selon ce qui se passe en dedans de moi. Pour ce nouveau disque, j’ai travaillé douze heures par jour, six jours par semaine, pendant quatre mois. À fond. Dans l’enthousiasme et la poésie du moment. Tu ne peux pas t’imaginer comme j’étais heureux. Toutes les chansons ont un lien plus concis, une cohérence. Ça reste éclectique, parce que je suis comme ça. Mon âme est une mosaïque. Pour la première fois de ma vie, c’est un disque qui a été fait d’un seul jet. Quelque chose d’étrange en moi s’est déclenché et je suis encore en train d’écrire en ce moment! Je vais continuer jusqu’à ce que toute l’idée soit sortie."

Confort intérieur

Ce qui a permis à Léon de vivre si intensément ses récentes créations, c’est la construction de son propre studio d’enregistrement. Situé sur le Plateau à Montréal, il offre un espace libre de toute contrainte au musicien: "C’est le bonheur. Imagine-toi que tu es électricien et que tu as enfin ton tournevis. J’ai mon outil comme artiste. Je peux chanter à tue-tête. J’y fais en une heure ce qui m’en prenait trois ou quatre ailleurs."

L’aventure artistique a commencé par un voyage: "Le concept du disque est arrivé quand j’étais à Tokyo, l’automne passé. Je regardais les gens, les immeubles. C’est fabuleux comme les extrêmes et les contrastes s’y côtoient. Je me suis demandé ce qui unissait les extrémités. Nous sommes faits d’atomes. Tranquillement, ça a ouvert une brèche en moi. Puis je me suis retrouvé dans le sud de la Thaïlande, dans une hutte sur la plage, à écrire mes idées parfois sous des orages torrentiels."

C’est un Léon en ébullition qui rentre à Montréal quelques mois plus tard, des racines de chansons plein la tête. Son studio est presque prêt. Il se lance dans ce qui deviendra Les Atomes quatre mois plus tard. Un CD encore de haute tenue sur lequel une place importante a été accordée au piano (le chanteur parle de Debussy), où la voix d’Audrey Emery s’enlace sensuellement à la sienne, et où Martin chante parfois en joual ou en anglais quand le propos s’y prête (All in sur le pouvoir de l’argent). "Mon travail d’artiste, c’est de poser des questions."

Martin Léon
Les Atomes
(La Tribu / DEP)
En vente le 23 novembre

À écouter si vous aimez /
Pink Floyd, Daniel Bélanger, Debussy

ooo

Rapaillez le chanteur

Longtemps, Martin Léon a pratiqué le métier en solitaire, créant ses chansons seul dans son coin. Même si l’apport de ses musiciens est capital, il s’avoue volontiers assez sauvage. À peine deux duos avec Michel Rivard, une participation à un disque pour enfants, une reprise de Nino Ferrer ou des Colocs. Mais le projet des Douze hommes rapaillés a changé la donne. Deux CD et des spectacles collectifs avec ses collègues: "Quand tu côtoies Miron, tu portes ensuite une plus grande attention encore aux mots dans ton travail. C’est une belle aventure humaine aussi. Ça nous permet de rencontrer ceux qui étaient là il y a 20 ans: Daniel Lavoie, Jim Corcoran… Je travaillerais volontiers, régulièrement, avec Richard Desjardins, par exemple." L’appel est lancé.