O Linea : L'animal humanisé
Musique

O Linea : L’animal humanisé

Avec ses salves de distorsion, ses cris et son urgence bien sentie, O Linea demeure un secret bien gardé de la scène rock d’ici.

Après un album anglophone paru dans un certain anonymat en 2004, Straight Line Strategy, la formation rock O Linea s’est fait connaître avec L’Ordre des choses (2007), un excellent premier effort 100 % francophone, descendant de l’agressivité du groupe punk américain At the Drive-In. Commercialisée cet été, La Bête de l’homme profite d’une réalisation plus polie, mais témoigne de la même hargne distinctive.

Au bout du fil depuis un magasin Bell, où le chanteur et compositeur de la formation johannaise travaille en complet-cravate, Julien Vézina parle de cris, d’énergie scénique et de distorsion qui arrache. Une dichotomie à la base même de la réflexion derrière La Bête de l’homme. "J’ai une famille, un job stable, une maison et deux enfants. Mais le samedi soir, je pars avec le groupe gueuler sur une scène à 200 km de chez moi", raconte le musicien qui avoue avoir de la difficulté à extérioriser ses sentiments. "Au moment d’écrire les textes de l’album, je n’avais pas envie de parler au "tu" ou au "vous". Cette forme d’écriture m’apparaît contestataire, et je préfère laisser ça aux autres. Je devais donc écrire au "je", mais disons que je n’ai pas la confidence facile. Cette dualité entre l’homme et la bête est sans doute le max que je peux révéler sur moi-même. Le sujet me semblait plutôt universel. La société a beaucoup évolué depuis l’homme préhistorique, mais à quelque part, j’ai encore l’impression que nous sommes des singes habillés en messieurs. Les trois quarts des événements qui font Le Téléjournal sont de petits relents de la bête en nous. On devrait apprendre à mieux la connaître et ne pas inciter les gens à l’ignorer. Si on comprenait mieux la bête en nous, peut-être qu’elle se manifesterait moins souvent", soutient le leader du groupe qui partage quelques membres avec Kodiak.

Question de nourrir notre côté plus sauvage, l’écoute de L’Ordre des choses s’avère toujours un plat de choix, un apport riche en défoulement. Or, la production plus étoffée de La Bête de l’homme a déstabilisé les critiques tombés sous le charme "dans ta face" du disque précédent. Si la présence de guitares acoustiques et l’utilisation de pistes vocales plus claires donnent l’impression qu’O Linea s’est assagi, la fougue à la base des chansons demeure la même. Les mélodies des refrains surplombent un océan de décibels, et la voix de Julien Vézina y conserve toute son urgence. "Puisque L’Ordre des choses nous a fait connaître, beaucoup ont cru que la production très brute de l’album était notre marque de commerce, mais le disque était en réaction à Straight Line Strategy et ses multiples overdub. On voulait s’éloigner d’un gros son béton pour quelque chose qui grafigne davantage. Puis on écoutait beaucoup d’At the Drive-in à l’époque. Mais mon ultime référence à titre de musicien, c’est le rock de Seattle, Pearl Jam surtout. Chaque fois que je composais une pièce à la guitare acoustique pour La Bête de l’homme, j’essayais de m’approcher de la chanson parfaite. Et dans ce domaine, je considère les gars de Pearl Jam comme des premiers de classe."

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At the Drive-In, Vulgaires Machins, Pearl Jam