Roberto Devereux : Triste sort
C’est une mécanique bien huilée que nous offre l’Opéra de Montréal avec la première à la compagnie de Roberto Devereux. Bien huilée, mais longue à démarrer…
Était-ce ce timbre particulier, peut-être exacerbé par la nervosité d’un soir de première, ou les oreilles du critique qui tardaient à s’adapter à l’atmosphère de la Salle Wilfrid-Pelletier? Quoi qu’il en soit, au premier acte de Roberto Devereux, j’avais de la difficulté à supporter la voix de la soprano Dimitra Theodossiou, qui incarne la reine Élisabeth, mais disons-le tout net: le premier acte ne lève pas beaucoup… Dès le départ, on est dans le lourd et le tragique, tout de suite, bang! Ça pleure et ça implore. Et ça explique la situation (que l’on vient de nous résumer en surtitre durant l’ouverture, et que l’on avait lue dans le programme avant); pour cette raison, c’est plus bavard que lyrique. Bref, dur dur, le premier acte…
Heureusement, il y a le deuxième. Le tympan s’est-il adapté? La voix d’Élisabeth est devenue agréable; elle chante davantage et ce qu’elle chante est mieux tourné (ça, c’est quand même un peu la faute à Donizetti, le compositeur). La reine déploie maintenant des trésors de virtuosité (attendez le troisième acte!) et le trio avec le ténor Alexey Dolgov (dans le rôle-titre) et le baryton James Westman (Nottingham, son meilleur ami – mais pas pour longtemps) est vraiment un très beau moment d’opéra, qui justifie amplement son attente. Ce moment-là se tient tout seul, mais pour le reste, heureusement qu’il y a la scénographie, parce que quand tout le monde s’apitoie quand même juste un peu trop longtemps sur son sort, on peut regarder le magnifique décor de Neil Patel.
Le metteur en scène Kevin Newbury nous disait ne pas aimer les temps morts, et son travail est en effet extrêmement dynamique. Presque tous les éléments du décor sortent du plafond massif qui surplombe la scène. C’est très ingénieux, mais ça fait aussi qu’il n’y a pas d’éclairage au plafond (un seul projecteur). Tout l’éclairage est donc latéral et, fatalement, le résultat est par moments un peu sombre. Ce pourrait être aussi une touche de réalisme faisant référence à l’éclairage aux chandelles de l’époque. Quoi qu’il en soit, le côté visuel de l’oeuvre est certainement très réussi. Le son qui sortait de la fosse, où se trouvaient l’Orchestre Métropolitain et le chef Francesco Maria Colombo, était un peu empâté en ce soir de première; il se sera sans doute affiné depuis.