The Acorn : Rentrer au bercail
Musique

The Acorn : Rentrer au bercail

À la veille de s’offrir un concert-célébration soulignant son retour à la maison, la troupe The Acorn poursuit sa vadrouille de pays en pays avec, en main, les pièces de No Ghost, sa plus récente parution.

Communément, nos bands locaux sont faciles à joindre. Un courriel, un appel et un rendez-vous est rapidement fixé pour une rencontre-café dans une brûlerie du centre-ville. Pourtant, c’est par téléphone que se déroule l’entretien que Rolf Klausener, leader de la formation ottavienne art-folk The Acorn, a accordé au Voir. Alors que la majorité de ses acolytes musiciens vibrent bien malgré eux au rythme passif des fonctionnaires fédéraux, de l’ami Harper et de la morose vie parlementaire, Klausener et sa troupe se trouvent à Manchester, Grande-Bretagne, majestueuse ville où Oasis, Joy Division et The Smiths ont tour à tour connu des débuts glorieux. Ce soir, The Acorn donnera un concert au Deaf Institute, club indie branché du centre-ville qui aura notamment à sa marquise, un peu plus tard dans la semaine, Ratatat et Menomena. Au bout du fil et via sa carte interurbain prépayée, Rolf se révèle décontracté et affable, comme s’il se trouvait en face de son interlocuteur, attablé devant un café latté. "La tournée achève et ç’a été vraiment, mais vraiment super. Il ne nous reste que quelques concerts avant notre retour à la maison", mentionne-t-il au sujet de la tournée The Cottage Tour, en prenant bien soin de faire mention de ses faits saillants – participations du troubadour Leif Vollebekk (lui aussi d’origine ottavienne) et des groupes Beach House et Midlake à quelques spectacles de la tournée, délices culinaires cambodgiens à Providence, Rhode Island, joute mémorable de bowling à Pittsburgh – de même que du fait d’avoir réussi à survivre une année de plus sans avoir recours à un second job. "Je crois, en toute sincérité, que c’est ma plus grande réussite."

Moments d’introspection

Les moments mémorables ont été légion, ces derniers mois. La discussion convergera rapidement vers No Ghost, le troisième album officiel de The Acorn. L’opus succède à Glory Hope Mountain, qui s’est révélé l’élément clé de la jeune carrière du quintette, celui pour lequel les accolades se sont faites chaudes, nombreuses et issues tant de la presse spécialisée que de personnes un peu moins probables. Diantre, ce n’est pas tous les jours que Kanye West affirme qu’un album est, selon lui, "magnifique"!

No Ghost entrera en jeu trois ans plus tard, soit l’été dernier. Une oeuvre dont l’énergie, la facture et l’intention sont, apposées à Glory Hope Mountain, d’un spectre et de couleurs totalement distincts. Ainsi, exit demi-tons, douces harmonies vocales et poésie au lyrisme aérien semi-biographique (Glory Hope… était un hommage à la vie illustre de la mère de Klausener). "No Ghost est un album qui se voulait plus improvisé. Je me sens désormais plus près de la musique qu’auparavant. Je me suis imposé d’écrire au fur et à mesure devant les autres membres du groupe, chose que je n’avais jamais faite auparavant. Au final, je trouve que ces nouvelles chansons sont à la fois impersonnelles et personnelles, jouant sur ces deux niveaux à la fois. Il y a beaucoup plus d’introspection dans un cadre probablement moins complexe que sur Glory Hope… et ça me plaît", affirme-t-il, passant aisément du français à l’anglais, son "vocabulaire n’étant pas assez varié", selon lui, dans la langue de Molière.

Home, sweet home

"Nous sommes chanceux, vraiment, parce que je connais une foule de musiciens d’Ottawa, de Hull et de Gatineau, qui sont incroyables, qui lancent des albums exceptionnels et qui ne jouissent pas de la vitrine que nous pouvons avoir. On s’en sort vraiment bien", dixit Klausener, en faisant référence aux formations J’envoie et The White Wires et à Jim Bryson, qu’il considère bourrés de talent. Donc, la clé, elle se trouve où? "Les tournées, répond rapidement Klausener. Nous avons pris un temps fou, au fil des années, pour faire des spectacles. C’est clair que nous n’avons pas connu de montée fulgurante comme Arcade Fire et que c’est plus ardu de remplir nos salles en Europe ou aux États-Unis que ça l’est au Canada, mais la tournée est d’une importance capitale. C’est vrai que c’est dur: ce sera probablement la première fois qu’on retournera à la maison avec un peu d’argent dans nos poches", déplore-t-il.

"J’ai souvent été très virulent à propos de nos super bons bands qui ne prennent pas la peine de faire des tournées. Ils se contentent de jouer dans nos bars. Je trouve ça d’une tristesse incommensurable", affirme le chanteur, en spécifiant n’avoir jamais senti le besoin de déménager dans une métropole pour sentir qu’il a tous les jetons en main pour développer une carrière internationale. "Prends Bon Iver [auteur-compositeur américain] par exemple. Il vient d’Eau Claire, une ville un peu merdique, dans le Wisconsin, à plusieurs heures à l’ouest de Chicago. Cette distance par rapport aux grandes villes ne l’a pas empêché d’être archiconnu."

"À Ottawa, il y a plus de gens qu’à Eau Claire et je suis conscient qu’il existe une communauté forte qui appuie ses bands. Cela dit, passer trop de temps dans cette ville fait rapidement en sorte que je deviens agité et que l’envie de passer à autre chose se fait sentir. C’est un sentiment extrêmement positif une fois de retour à la maison. Ça rend les choses intéressantes", conclut énigmatiquement Klausener.

À écouter si vous aimez /
Bon Iver, Grizzly Bear, Califone