Yann Perreau : Plus de Nick Cave, moins de Lou Reed
Musique

Yann Perreau : Plus de Nick Cave, moins de Lou Reed

Populaire comme il ne l’a jamais été, Yann Perreau se pointe inchangé.

Première scène du vidéoclip de la chanson Le président danse autrement: Yann Perreau entre dans un supermarché en costard, comme s’il sortait de scène, la tuque sur la tête et l’air brumeux, comme un éternel ado. Des clients accablés subissent la version lavée à l’eau de Javel de Beau comme on s’aime que la radio gémit. Las, Perreau fait signe au yo qui l’accompagne de mettre en marche sa boombox. Éclate alors, comme cela arrive souvent dans le rayon des surgelés, une orgie de chorégraphies et de baisers. Ce n’est pas parce que Perreau est aujourd’hui un chanteur populaire qu’il se prendra au sérieux, qu’il ne désire plus faire de sa vie un éternel grand festin, comprend-on.

"Oui, je suis devenu un chanteur populaire, reconnaît-il, par rapport à avant, où j’étais un chanteur pop moins connu. Mais j’en rigole. C’est le fun que ça m’arrive là, parce que j’ai une maturité qui fait que ça ne change rien. C’est sûr qu’il y en a qui viennent au show seulement pour Beau comme on s’aime, mais ils découvrent le reste avec moi, les deux pieds dans la viande et le couteau entre les dents."

Le couteau entre les dents? L’image percute et on l’écarterait s’il ne s’agissait que du garçon gentil, à la voix douce, qui se pointe à l’entrevue le capuchon sur la tête. On le reconnaîtra à peine tantôt sur scène, le torse tendu pour les chansons-combats et la hanche leste pour les chansons-cupidons. "Quand Nick Cave à 53 ans joue dans un Métropolis et se donne comme un chien, tu te dis: "OK… Le stage, c’est un jeu." Je viens les yeux fous, un peu comme Maurice Richard."

Où loge le vrai Yann Perreau? Pris en sandwich entre Chrystine Brouillet et Liza Frulla pour discuter livres à Radio-Canada? Au Théâtre de Quat’Sous dans le rôle d’un dandy fauché? Dans les bars à chanter avec les potes de l’underground? Aux côtés de Roy Dupuis pour protéger nos rivières? Est-il toujours le voyou qu’il mettait à nu sur Nucléaire, déguisé en bon gars, ou un bon gars déguisé en voyou? La question l’agace: "Ni un ni l’autre. Je suis un bon gars, mais je suis un bum. J’aime être poli, j’aime les gens, je pense qu’on a assez vu de Lou Reed qui ont l’air tellement cool mais qui dans le fond sont vides. J’aime mieux être entier. L’intérieur reste rebelle avec les mêmes désirs de voyages et de rencontres."

"Tom Waits, Richard Desjardins ou Michel Pagliaro m’inspirent beaucoup plus aujourd’hui qu’un Jim Morrison mort à 27 ans", résume-t-il. "Faut que tu modules, sinon tu te répètes. C’est pour ça que je suis capable de me retrouver à Radio-Canada et le lendemain à l’Esco en train de licher le plafond un soir de rock’n’roll. Ça m’excite."

Ce qui l’allume ces jours-ci: sa collaboration avec Grand Corps Malade et le voyage qu’il se tapera à la fin de sa tournée à Berlin, Barcelone, Paris, Lisbonne, Bogota et/ou Buenos Aires. Pour écrire et, surtout, pour couler des jours tranquilles avec sa blonde. Faudrait pas qu’il pense trop à sa carrière.

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