Jason Bajada : Le jour où tout a changé
Musique

Jason Bajada : Le jour où tout a changé

Après avoir bossé pendant plus de six ans de manière indépendante, Jason Bajada était sur le point de tout abandonner lorsque le téléphone a sonné. Au bout du fil: Dumas, ou l’occasion d’une vie.

Depuis l’écoute de son premier album autoproduit en 2003, le touchant Puer Dolor, nous savions Jason Bajada promis à un bel avenir. Sa sombre sensibilité folk pop descendant d’un Elliott Smith le plaçait déjà parmi les visages à surveiller du Montréal anglophone. Intitulée Up Go The Arms, la deuxième offrande du chanteur, lancée en 2006, laissait entrevoir ce même potentiel, mais encore une fois, la réponse du public tardait à venir. Prompts à passer à autre chose – tout évolue si vite au sein de la scène locale -, les médias spécialisés en étaient venus à le considérer comme un autre soldat de l’ombre, sacrifié faute de moyens substantiels.

À l’hiver 2007, même Jason Bajada n’y croyait plus vraiment, prêt à ranger sa guitare pour se lancer dans une vie de 9 à 5. "C’était au creux de l’hiver. À peu prêt ce temps-ci de l’année, tu sais, lorsqu’on commence à manquer de soleil. Je trouvais qu’il n’y avait pas de résultat au bout des nombreux efforts mis dans ma carrière. Et puis c’est tombé du ciel. On m’a appelé à la dernière minute pour remplacer le chanteur qui devait se produire en première partie de Dumas au National, un Belge si je me souviens bien. Cet appel a sauvé mon goût de faire de la musique et de la rendre publique. Et puis comme Dumas a aimé m’avoir en ouverture de son concert, il m’invitait toujours à jouer avec lui au National. Cette année-là, j’ai dû m’y produire au moins 20 fois avec lui."

Alors simple secret bien gardé de la scène souterraine anglo, Jason Bajada y a saisi sa chance. Francophone et surtout fort nombreux, le bassin de fans de Dumas est tombé sous le charme de ses complaintes folk à la mélancolie désarmante. Le résultat était concret. "Je finissais ma soirée avec 60 disques vendus au lieu de deux. Je recevais des courriels de fans de Dumas qui venaient de me découvrir. Le compteur de mon MySpace a explosé. Puis, je me suis retrouvé à jouer devant 200 à 300 personnes par soir lors de mes propres concerts."

Suivront un contrat avec l’étiquette torontoise MapleMusic, intimement liée à la géante Universal, ainsi que la parution de Loveshit, un troisième compact abouti qui permet aujourd’hui au compositeur de se produire en Europe, aux États-Unis et au Canada. Et même si son album regorge d’histoires d’amour déchirantes, l’artiste est le premier surpris de constater que de nombreux couples vibrent au son feutré de Jason Bajada. Comme si ses mélodies accrocheuses arrivaient à éclipser la détresse de ses textes. "Il y a trois semaines, j’ai été invité à l’émission En direct de l’univers de Marc Labrèche, diffusée à Radio-Canada. Il paraît que sa blonde et lui écoutent souvent mon disque en mangeant. Ça reste un job weird, musicien. De se faire applaudir par des couples qui m’écoutent chanter des histoires d’amour si sordides que le narrateur veut s’en ouvrir les veines… C’est aussi ça, le côté génial de l’art."

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