Alain Lefèvre : Après Mathieu, la musique
Alain Lefèvre offre un ultime concert Mathieu à Québec. Le pianiste a de nouveaux défis à relever et fait place à une nouvelle croisade.
L’interprétation du 4e Concerto pour piano d’André Mathieu à Québec marquera la fin d’un chapitre pour le pianiste Alain Lefèvre. Après plusieurs années passées à défendre le compositeur québécois déchu, l’interprète a le sentiment que son travail est maintenant complété. Bien entendu, il continuera d’interpréter Mathieu à l’extérieur du pays; des pourparlers sont entre autres en cours avec le chef d’orchestre Valery Gergiev et le London Symphony Orchestra, une situation qui emballe Lefèvre. Mais pour le Québec, Lefèvre coupe les ponts avec cette oeuvre de prédilection.
Il avait d’ailleurs fait part de son intention d’arrêter, l’été dernier, sur les ondes de la télévision de Radio-Canada. Se sentant critiqué sur son "combat Mathieu", le pianiste s’était dit blessé et même épuisé. "Maintenant, ça se termine là où tout a vraiment commencé: avec l’OSQ et à Québec. C’est ici qu’on a créé le Concerto de Québec, un souvenir mémorable. Je boucle la boucle, c’est symbolique et je voulais que ça se termine comme ça. Pour les raisons que vous savez, je veux montrer aux gens que je fais une transition. Moi, je n’ai jamais dit qu’André Mathieu était le plus grand compositeur de l’histoire, comme certains l’ont répété. J’ai seulement voulu dire qu’il avait sa place dans le monde de la musique. Si Gergiev s’intéresse à André Mathieu, c’est sans doute parce qu’il a de bonnes raisons. Gergiev, excusez-moi, ce n’est pas un cave!"
Mais le lutrin d’Alain Lefèvre est si encombré de partitions qu’il ne semble même plus avoir le temps de cultiver de l’amertume. La musique de trois compositeurs québécois meuble son esprit depuis plusieurs mois. Tout d’abord, les 24 Préludes pour piano de François Dompierre, qui paraîtront bientôt sur disque. Ensuite, ce concerto pour piano qu’est en train de lui écrire Denis Gougeon. Mais surtout, cette réunion-choc entre la fougue expressive de Lefèvre et la folie de Walter Boudreau (directeur artistique de la Société de musique contemporaine) pour la création d’une oeuvre concertante titanesque en 2011. "Walter, c’est avant tout un ami. Mais je te le dis, ça va être incroyable! J’en parle et j’ai des frissons! Walter a tout mis là-dedans. Juste la cadence, écoute… c’est capoté! Ce que je compte faire dans les prochaines années, c’est de montrer au monde, bien modestement, nos compositeurs du Québec: Boudreau, Gougeon et Dompierre. Je vais me battre avec la même énergie que pour Mathieu. Mais cette fois, pour des compositeurs vivants, des compatriotes."
Le répertoire romantique, André Mathieu et la création contemporaine s’ajoutent à ses propres compositions. Son dernier disque de musique instrumentale, Jardin d’images, a même remporté un Félix cette année. Avec les formations rock Psychocaravane et Pawa Up First à titre de colistiers, y avait-il là matière à comparer? "Je peux comprendre que la musique instrumentale est encore un concept flou, admet-il. Disons que les purs et durs de la musique classique, par exemple, n’apprécient pas le genre non plus. Moi, je vois ces compositions comme des humeurs mises en musique dans une forme classique, du A-B-A. Un thème, suivi d’un développement et une réexposition du thème pour conclure. Et les gens aiment ça! Alors pourquoi ne pas continuer?"
À écouter si vous aimez /
Lang Lang, André Gagnon, André Mathieu