Ngâbo : Congorama
Ngâbo a vécu 20 ans au Congo, cinq à Ottawa, puis cinq autres à Montréal, où il s’apprête à larguer une petite bombe dans l’univers des musiques du monde.
"Musicien, ce n’est pas le genre de profession qu’on te conseille au bureau d’immigration", lance Ngâbo ou, pour les agents frontaliers, Christian Ngâbonziza. Originaire de la ville de Goma, au Congo, l’homme de 30 ans termine ces jours-ci son premier album, réalisé par Jérôme Minière, et dont la parution est prévue pour les premiers mois de 2011. Les trois chansons déjà offertes sur iTunes (la dansante Camarade, la plus électro Hey Yah Desperado et l’hypnotique Renfort) ont rapidement attiré notre attention: boucles électro, arrangements de guitares atmosphériques, motifs africains, claviers aux sonorités années 80, mais surtout cette voix mystérieuse et polyvalente, capable de sévérité comme de passages mélodieux. On la reconnaîtrait entre mille, cette voix, tant elle percute et accroche. Même un fonctionnaire d’Immigration Canada constaterait le potentiel.
"Je ne me qualifie pas de musicien authentique. Je ne sais pas lire la musique et je compose grâce aux ordinateurs qui me facilitent la tâche, mais d’aussi loin que je m’en souvienne, la musique a toujours coulé dans mes veines. En Afrique, que l’on se rende dans un mariage, un baptême ou un enterrement, il n’y a pas beaucoup de différence. La musique est la même. On chante, on danse, on joue des percussions. De 9 à 17 ans, j’ai chanté dans une chorale avec mes frères et mon papa. Mon père était très religieux et strict, alors tous les vendredis et samedis, on répétait à la maison. Il écoutait beaucoup de musique française (Francis Cabrel, Jacques Brel) puisque les Européens nous ont aussi colonisés culturellement. Nous avions la télévision française et belge."
Puis en 2000, alors qu’il a 20 ans, ses parents le mettent dans un avion, direction Canada, dans le but d’éviter que Ngâbo ne soit enrôlé de force dans l’armée congolaise prise en pleine guerre civile. Troisième de onze enfants, l’Africain s’installe d’abord à Ottawa dans le but de se rebâtir une vie. "J’ai vendu des chaussures, travaillé dans des restaurants, des bars. Mais je me suis surtout construit une nouvelle culture musicale. C’est à ce moment que j’ai découvert la musique britannique. Au départ, c’était Coldplay, mais j’ai vite remonté jusqu’à Joy Division. Puis ce fut la musique américaine: Beck, Tom Waits."
De fil en aiguille, il dégote un bon boulot dans une boîte de traduction. Bon salaire, bel appartement, mais le sentiment de passer à côté d’une passion. "J’étais trop confortable et je m’éloignais de la musique. Tu sais, une fois que tu as vécu l’exil, tu es prêt mentalement à le revivre. J’ai donc quitté Ottawa pour Montréal, rien de bien drastique comme changement, dans le seul but de composer et jouer."
Grâce aux réseaux sociaux, il se lie ensuite d’amitié avec Jérôme Minière, qui lui offre son aide. "Je l’avais découvert avec son album Coeurs, un disque d’une grande sensibilité. Jérôme est en quelque sorte devenu le master de mon projet. Je lui apporte mes maquettes et on révise le tout. On change des choses, on enregistre de vrais instruments pour remplacer les pistes d’ordinateur."
Avant que nous entendions le résultat à venir du côté de l’étiquette La Tribu, le participant au dernier Festival en chanson de Petite-Vallée profite des relations de la maison pour se produire cette semaine en première partie de Dumas et Minière. Nous y serons.
À voir si vous aimez /
Abd Al Malik