Sonia Johnson : Le coeur en friche
Musique

Sonia Johnson : Le coeur en friche

Sonia Johnson a joué à la marieuse pour Le carré de nos amours, son dernier-né plusieurs fois comparé au superbe Chambre avec vue du défunt Henri Salvador.

Il y a cinq ans, Sonia Johnson dévoilait Don’t Explain, un petit chapelet de standards de jazz. Au grand regret de la Mauricienne d’origine, cette première carte de visite ne comprenait aucune composition originale. C’est que le passage de la cigogne avait bousculé bien des choses dans sa vie, dont le temps alloué à l’écriture de chansons. Avec Le carré de nos amours, lancé en octobre sur l’étiquette Effendi, la musicienne à la voix veloutée se reprend. Sur les 13 pistes, aucune vieille recette, que du matériel jazz inédit en français signé par elle ainsi que par quelques belles plumes québécoises.

"En 2008, je me suis inscrite au Festival en chanson de Petite-Vallée", amorce-t-elle, interrogée sur ses collaborations. "J’avais besoin d’aller faire une vérification, que mes pairs jugent mon travail. Oui, j’avais des gens à qui je pouvais le faire écouter. Mais quand tu fais écouter tes chansons à tes amis, ils te disent toujours que c’est bon. En présentant mon projet à Petite-Vallée, je me suis dit que j’aurais les commentaires du jury. Et il a aimé ça! Sur les 500 personnes qui avaient posé leur candidature cette année-là, j’ai fait partie des huit gagnants de la catégorie Chansonneurs. C’est là que j’ai rencontré certains de mes futurs collaborateurs, dont Charly Bouchara, André McNicoll et Marc Chabot, qui signent chacun un texte dans le projet." Parmi les autres artistes qui figurent dans les crédits, il y a les auteurs Stanley Péan, Christian Mistral, Marie-Chantale Gariépy, Yves Lanthier, Claude André et les musiciens Luc Beaugrand, Frédéric Alarie et Anthony Rozankovic. "Même si je n’ai pas composé toutes les pièces de l’album, j’ai eu un lien particulier avec chacune, soit en faisant la marieuse entre la musique et le texte, soit en présentant des gens pour qu’ils collaborent."

UN COEUR QUI BAT

Au moment de la création du disque, aucune ligne directrice n’avait été déterminée. Mais, curieusement, les chansons se sont emboîtées comme dans un puzzle. "J’ai choisi les textes parce que ce sont des coups de coeur. Et ça a adonné qu’ils avaient un fil conducteur. Ils parlent tous d’amour: soit de l’amour du voisin, de soi-même, soit de l’amour impossible, spontané ou très intime, énumère-t-elle, doucement. Au départ, je voulais appeler l’album Carré Saint-Louis, parce que c’est un lieu qui m’a inspirée beaucoup à une certaine époque. J’ai travaillé dans ce quartier-là de Montréal. Il y avait un petit bar de chanson française où j’ai côtoyé plein d’auteurs-compositeurs. Et parallèlement à ma découverte de la chanson, je découvrais le jazz. Avec Le carré de nos amours, c’est comme si, finalement, j’avais réussi à réunir ces deux passions-là."

Sans doute en raison des thèmes qu’il explore et de ses rythmes tantôt bluesés, tantôt latins, Le carré de nos amours se veut un album chaleureux, parfait pour une soirée en tête à tête devant le foyer. "Ça me ressemble, lance la chanteuse. Sur le disque, on a fait des versions qui sont plus courtes que ce que les gens vont découvrir en spectacle. Il reste que le côté jazz est très fort chez moi. Donc, quand je vais être en spectacle, les chansons vont prendre une autre direction. Il va y avoir plus d’improvisation de ma part et du trio qui m’accompagne. Pour l’album, on s’est payé un peu la traite. On s’est dit: "On va ajouter des guitares, des cuivres, des voix." C’est ce qui fait l’enrobage enveloppant."

L’AMOUR NE MEURT JAMAIS

Après Don’t Explain, il aura fallu une demi-décennie avant que naisse Le carré de nos amours. Un délai plutôt long. "Comme je suis maman, je suis bien occupée. Et dans mon métier, je porte tous les chapeaux [artiste, productrice, gérante]. Pendant cette période, j’ai essayé de trouver des subventions pour avoir de l’aide financière pour mener le projet à terme. Aussi, en jazz, c’est difficile de trouver un gérant ou une équipe. Je persiste même si ce n’est pas un milieu facile. Il ne faut pas se leurrer, les disques se vendent moins. Il y a moins de diffuseurs pour ce type de musique-là. Le défi a donc été d’en arriver à gérer tous ces aspects-là pour réaliser un projet." Ouf! Pourquoi n’a-t-elle jamais baissé les bras? "Parce que je crois en ce que je fais. Parce que j’aime ce que je fais. Parce qu’il y a quand même une demande, je le sens. Les gens sont très réceptifs à ce que je viens de produire. Parce que je pense que je ne pourrais pas faire autre chose que ça. J’ai d’ailleurs déjà un autre projet en tête. C’est ce que j’aime de cette musique-là, ça ne me fige pas dans une routine."

À voir si vous aimez /
La voix de Claire Pelletier, Chambre avec vue d’Henri Salvador