Yves Lambert : Corps de métier
Au diapason de sa profession, Yves Lambert est fidèle au poste, conscient de ses responsabilités d’entremetteur des Fêtes et d’éveilleur de consciences.
Il fait "frette" à La Sarre, en Abitibi-Témiscamingue, et Yves Lambert est au chaud dans sa chambre d’hôtel au lendemain d’un spectacle endiablé. N’allez toutefois pas croire que le musicien craint les glaçons dans sa barbe. Au bout du fil, il clame être prêt à braver toutes les tempêtes afin de sillonner le Québec, de concert en concert. "C’est un réel plaisir. Je suis complètement harmonisé avec ce métier, reconnaissant de le faire, même après 35 ans. J’aime voyager, pis rencontrer le monde. Autant je suis un sédentaire quand je suis chez moi, à la minute que je pogne ma valise pis mes instruments, je retrouve ma peau de nomade. Il n’est pas tanné, le monsieur, il aime ça!"
2010 aura permis à Yves Lambert d’accumuler quelques prestigieux prix, dont celui du chanteur traditionnel de l’année aux Canadian Folk Music Awards – "Ça doit venir avec l’âge", tempère-t-il -, ainsi que de nouvelles estampes à son passeport. France, Espagne, Suède… Voyager à l’extérieur du pays, c’est pour témoigner de la vitalité de la musique québécoise? "Oui, mais c’est aussi une question de faire travailler ma gang. Le marché québécois étant ce qu’il est, il faut toujours développer à l’extérieur. De plus, c’est nourrissant. Ça nous met au fait de ce qu’on représente ailleurs", affirme le gaillard.
Simplicité volontaire
Après La Bottine souriante (une époque qui s’est conclue en 2003), Yves Lambert s’est entouré du Bébert Orchestra, mais la formule a légèrement changé l’été dernier afin qu’il puisse effectuer la tournée du ROSEQ (Réseau des organisateurs de spectacles de l’Est du Québec), qui compte plusieurs petites salles. L’"Orchestra" est alors devenu le trio LAM3ERT, Gauthier, Rondeau… et le meneur y a pris goût. "On s’est aperçus qu’il y avait quelque chose d’intéressant à jouer à trois. Olivier Rondeau s’est patenté une guitare avec deux cordes de basse… Il a complètement changé son jeu. Ça apporte une esthétique très moderne, contemporaine. Et il y a Tommy Gauthier au violon, au bouzouki, à la mandoline, qui est aussi un instrumentiste hallucinant. Ça donne un spectacle très épuré, car on n’est pas beaucoup sur scène, mais aux arrangements riches." Ce dépouillement étonne de la part de ce musicien à l’appétit plus grand que la panse. "À l’époque de La Bottine, on avait tendance à toujours en ajouter. Là, j’en enlève, mais sans rien perdre de la musicalité. C’est une sorte de quête de l’essentiel." Une formule santé, quoi!
En trio, toutes les époques du répertoire d’Yves Lambert sont revisitées. "Je n’ai plus de gêne à utiliser celui de La Bottine, précise-t-il. Il y a aussi de nouvelles pièces. Le printemps passé, j’ai eu une période celtique. Je me suis intéressé à toute la "celtitude" de la musique québécoise, à la rencontre au 19e siècle d’Irlandais, d’Écossais et de Québécois d’origine française. Le métissage, ça s’est toujours fait et c’est ce qui a amené notre musique traditionnelle. Il y a là quelque chose d’historique et de culturel qui me fascine." Cette exploration devrait mener à l’enregistrement d’un disque. "Sûrement à l’automne prochain, après ma période Caleb…"
Caleb, Miron & Harper
C’est en 2011 qu’Yves Lambert tiendra le rôle du patriarche dans l’opéra folk chapeauté par Michel Rivard Les filles de Caleb. "Travailler avec Michel, c’est un grand plaisir. Je me rappelle qu’il m’avait posé une drôle de question quant au genre d’accordéon utilisé au Québec au début du 20e siècle. C’est après qu’il m’a appelé pour me proposer d’embarquer dans ce projet en tant qu’acteur, chanteur et musicien. Moi, je suis toujours prêt à relever de nouveaux défis", avance-t-il, faisant référence au volet "acteur" de cet engagement. "On commence à répéter en janvier. C’est une belle aventure. Un peu comme les Russes en 72, je m’en vais là pour apprendre."
Autre projet qui compte désormais Yves Lambert en ses rangs: Douze hommes rapaillés, cet hommage musical au poète Gaston Miron, plébiscité par les amoureux de chanson québécoise. "C’est un honneur pour moi que de faire partie de cette confrérie. Je connaissais Gaston. J’estime beaucoup son oeuvre. Quand j’ai entendu le premier disque, je me suis dit que j’aurais aimé faire partie de ce projet, et à un moment donné, Gilles Bélanger m’a appelé pour faire partie du spectacle car Plume ne voulait pas faire la tournée. C’est là que j’ai embarqué dans ce bateau. Je suis ben ben content. C’est un beau cadeau."
Seul nuage gris dans le ciel de monsieur Lambert: le projet de loi C-32, qui risque de mettre du plomb dans l’aile de toutes les générations d’artistes au pays. Cet affront des conservateurs l’empêche-t-il d’être au diapason du temps des Fêtes? "J’ai vu quelque chose à la télévision qui m’a horripilé: Stephen Harper interprétant une pièce de John Lennon au piano. J’ai eu peur! Ça m’a traumatisé. Politiquement, je suis désabusé. Le social-démocrate que je suis est scandalisé par ce qui arrive, mais je vais te dire ben franchement: ils ne nous auront pas! Moi, je suis quelqu’un qui garde espoir. Il faut continuer le combat, il faut revendiquer. C’est de l’hypocrisie, de la politique de bas étage, mais le sens de la fête, je ne le perds pas. Ce n’est pas ça qui va m’empêcher de fêter. Toutes ces fraudes, cette corruption, c’est une raison de plus de divertir le monde."
À écouter si vous aimez /
La Bottine Souriante, Les Charbonniers de l’enfer, Le Rêve du Diable