Carmen Rizzo / Huun Huur Tu : La steppe transfigurée
Carmen Rizzo a conceptualisé un monde sans frontières avec le groupe Huun Huur Tu. Une rencontre qui nous montre à quel point la musique est universelle et intemporelle.
Il est difficile d’isoler Carmen Rizzo dans un créneau musical spécifique. Bien entendu, dans le domaine de la musique électronique, sa réputation n’est plus à faire, et son dernier album solo, Looking Through Leaves, nous confirme qu’il a une signature musicale qui lui est propre: très atmosphérique et portée sur le métissage des genres. Là ne s’arrête pas sa création, car il est aussi à la tête de la formation Niyaz, un hybride entre la musique orientale et l’électroacoustique. Un concept qu’il définit lui-même comme de la musique du monde pour le 21e siècle.
Ce producteur et DJ a aussi travaillé avec une multitude d’artistes pop et de compositeurs au courant des dernières décennies. Mentionnons Seal, Alanis Morissette, Coldplay et le pianiste-compositeur Michael Nyman (qui a signé la trame sonore du film La leçon de piano). Au cinéma aussi, le travail de Rizzo est impressionnant. Sa dernière production dans ce domaine: le remix de la pièce If I Rise, qu’on peut entendre dans le film 127 Hours de Danny Boyle.
Mais ce qui retient notre attention, à la veille de sa première visite à Québec, s’inscrit dans un tout autre registre. L’artiste a croisé sur sa route le groupe de la République de Touva (proche de la Sibérie) Huun Huur Tu il y a plus de deux ans. La rencontre a été immortalisée avec l’album Eternal, une fusion entre la musique traditionnelle issue de cette contrée où la steppe domine et la science de Rizzo.
"En fait, lorsqu’on m’a contacté, le groupe avait déjà enregistré un disque, se rappelle-t-il. C’est son producteur, Mark Govener, qui m’a demandé si je voulais mixer l’album en question et ajouter quelques pistes au travers. Lorsque j’ai écouté le matériel, je me suis rendu compte qu’il faudrait faire beaucoup plus que ça pour que ce soit cohérent. J’ai alors refait la réalisation des pièces, j’ai réarrangé les compositions et réenregistré quelques pistes. Par la suite, je me suis concentré sur le traitement sonore des voix et des instruments. Au fil du processus, je me suis rendu compte que c’était devenu une collaboration à part entière entre Huun Huur Tu et moi."
L’exercice est plutôt original et les chants de gorge – une technique qui caractérise la formation – trouvent une tout autre forme d’expression dans cette production échafaudée par Rizzo. "Mon travail avec Niyaz m’a aidé lorsque j’ai voulu élaborer le traitement sonore des instruments d’Huun Huur Tu. Je voulais recréer leur sonorité originale, parfois même la travestir. Le but était de sortir ces instruments de leur contexte acoustique et de les entendre, même de les voir autrement. C’est une musique qui évoque des images. On se croirait dans un périple, une randonnée sans fin", conclut l’artiste qui portera aussi le chapeau de VJ lors de ce concert qui sera accompagné d’une projection visuelle synchronisée. "C’est une nouvelle expérience, autant pour eux que pour moi, et c’est très gratifiant."
À écouter si vous aimez /
Niyaz, Sussan Deyhim/Bill Laswell, Genghis Blues