Alexandre Tharaud : Être ou ne pas être
Ces derniers mois, Alexandre Tharaud a pris du recul pour mieux se ressourcer. Le piano est demeuré son principal confident et la vie, elle, a pris le dessus sur la carrière.
Le pianiste Alexandre Tharaud semble calme et en pleine possession de ses moyens. D’entrée de jeu, il nous illustre un quotidien qui fait état d’un chapitre unique dans sa carrière. Il y a cinq mois, il a décidé de prendre une pause: plus de concerts ni de récitals. Depuis ce temps, il savoure chez lui une vie paisible loin des aéroports. En fait, seuls deux concerts au Québec, avec Les Violons du Roy, et un récital au Japon viennent bouleverser cette forme de retraite qui prendra fin en mars prochain.
"C’est un moment très particulier, nous explique-t-il. Mais je continue de travailler, je ne suis pas en vacances! J’en profite pour repenser mon piano, j’apprends de nouveaux répertoires et, surtout, j’ai une vie… normale. Être pianiste, c’est une vie de fou! Ces derniers mois, j’ai retrouvé un rythme intérieur plus sain. Mais ce fut tout de même assez vertigineux d’arrêter. Habituellement, on voyage et la vie est trépidante. On anticipe constamment. C’est toujours de l’anticipation: les concerts, les programmes, les enregistrements… S’arrêter, c’est ce que je voulais. Je devais vivre cette expérience."
Malgré tout, l’artiste se retrouve en pleine promotion pour la sortie de son dernier album: Alexandre Tharaud Plays Scarlatti (Virgin Classics). Une sélection de 18 sonates (le corpus des sonates de Domenico Scarlatti, toutes dédiées à l’infante d’Espagne Maria Barbara, totalise presque 600 sonates) qui nous offre un regard original, presque une méditation, sur ce répertoire tant prisé par les virtuoses du piano qui, avec éclat, ont transposé maintes fois ces sonates originalement écrites pour le clavecin.
"Je voulais donner un coup de pied aux idées reçues, indique-t-il. Sur ce disque, il y a plus de sonates lentes que rapides. La virtuosité n’était pas la seule vertu que Scarlatti voulait exprimer. J’ai voulu mettre l’accent sur des sonates beaucoup plus intérieures, plus profondes. J’ai bien sûr parcouru l’ensemble des partitions, un travail fascinant! Mais, avec le recul, il y a une sélection naturelle qui s’impose. C’est comme avec les gens, on sait dès le départ avec qui on va bien s’entendre."
Lors de cette visite au Québec, il retrouvera justement un complice, le chef d’orchestre Bernard Labadie, et interprétera pour la toute première fois le Concerto pour piano no 9, dit "Jeunehomme", de Mozart. "Pendant des années, j’ai refusé d’inscrire ce concerto à mon répertoire, avoue-t-il. C’est Bernard Labadie qui m’a convaincu. Il m’a démontré, avec enthousiasme, que c’est un concerto extraordinaire. Lorsque quelqu’un insiste à ce point, on s’imprègne de cette énergie et on se laisse influencer! Maintenant, je l’adore, ce concerto… surtout le deuxième mouvement. Comme le dit si bien Bernard: c’est comme un grand air d’opéra! Toute sa vie durant, j’ai l’impression qu’un pianiste essaie d’imiter la voix humaine. Ce deuxième mouvement me donne l’impression d’être un chanteur."
À écouter si vous aimez /
Alfred Brendel, Clara Haskil, Alfred Cortot