Buck 65 : Deux, c'est mieux
Musique

Buck 65 : Deux, c’est mieux

Le rappeur Buck 65 se paie un album de duos pour ses 20 ans de carrière.

"Je réfléchis trop!" laisse tomber Richard Terfry, alias Buck 65, lorsqu’on lui fait remarquer l’odeur conceptuelle dont est empreint chacun de ses albums récents. Situation (2007) était un retour au hip-hop pur de ses débuts, doublé d’un salut au mouvement situationniste et à l’année 1957. Secret House Against the World (2005) carburait au post-rock et à la poésie beat. Talkin’ Honky Blues (2003) était l’exercice de style folk-blues… Si, musicalement, ce nouveau 20 Odd Years ne renferme pour une fois pas de ligne directrice, la présence d’invités mêlant leur voix à celle de l’atypique rappeur dans neuf pièces sur treize impose néanmoins un fil conducteur…

"Chaque fois que je m’attaque à un nouvel album, je vise quelque chose d’assez simple. Mais les idées s’empilent, des liens se font et je me retrouve avec des concepts assez lourds sur les bras", ricane le vétéran de 38 ans. "Dans ce cas-ci, l’idée de base était simplement de travailler sur la mélodie, d’arriver à quelque chose de plus accrocheur… J’ai spontanément pensé à des amis, des compositeurs super qui pourraient m’aider dans ce projet. La première chose que j’ai réalisée, c’est que j’avais tous ces gens autour de moi."

Nick Thorburn (Islands/Unicorns), Gord Downie (Tragically Hip), Jenn Grant, Hannah Georgas, Olivia Ruiz, John Southworth et Marie-Pierre Arthur composent la liste finale d’invités. Un bref exercice d’association permet de revisiter, à travers les convives, les endroits où Terfry a vécu ces dernières années: Montréal, Paris et, tout récemment, Toronto. Lors d’une entrevue antérieure, l’homme m’avait certifié ne pas s’inspirer des endroits où il vit, mais reconsidère cela aujourd’hui. "Je réalise que ces lieux m’ont inspiré a posteriori. Paris, notamment, a fortement imprégné 20 Odd Years."

Parlant de français, la présence de Marie-Pierre Arthur a beaucoup intrigué, lorsque révélée par la série de EP préalables à 20 Odd Years, l’automne dernier. "C’est la seule invitée sur l’album que je ne connaissais pas déjà personnellement, la seule qui n’est pas là par amitié. Elle est là parce que je suis fan de sa voix, si incroyablement expressive", signale le rappeur, qui a découvert Arthur grâce à son job d’animateur à la CBC, où il travaille depuis deux ans. "J’ai usé de tous mes contacts à la CBC pour la retracer." Il l’a finalement jointe, mais Arthur était alors sur le point d’accoucher. La collaboration s’est donc faite à distance. "Ça a donné cette fantastique chanson sur une relation à distance, dont elle a enregistré sa partie à Montréal. Il paraît qu’elle a accouché le jour même ou le lendemain."

Malgré le titre de ce nouvel opus, 20 Odd Years n’est pas un album-rétrospective, ni une réflexion sur son cheminement artistique. "J’ai réalisé que ça faisait 20 ans seulement une fois l’album terminé", avoue Terfry. Forcément, un tel anniversaire amène son lot d’introspection et de bilans. "Je mentirais si je prétendais qu’il n’y a pas eu, en cours de route, d’espoir de plus grand succès. Mais ça aurait supposé que je fasse certains compromis avec lesquels je ne sais pas si je serais à l’aise aujourd’hui", résume le rappeur, soulignant que s’il n’a jamais eu de plan de carrière, il a toujours su qu’il était dans ce bateau "pour longtemps". "Dans les circonstances, je suis donc content d’où je me trouve aujourd’hui."

Buck 65
20 Odd Years
(Warner)

À écouter si vous aimez /
Busdriver, Themselves, Everlast, Tom Waits