Tim Hecker : Requiem pour un son
Ravedeath, 1972, ou le tragique destin du musicien selon Tim Hecker.
La beauté des musiques abstraites et exploratoires, ce sont leurs possibilités représentatives infinies. Pour le commun des mortels, des choses comme le minimalisme des années 70, la musique d’orgue des années 30, la condition de musicien, la carrière de Glenn Gould, les rituels artistiques de destruction de pianos et les saisies massives de CD contrefaits en Europe de l’Est n’ont que très peu de liens entre elles. Mais dans la tête du compositeur et producteur Tim Hecker, elles en ont bel et bien, au point de faire la fibre de Ravedeath, 1972, dernier tissage d’ambiances profondes, de mélodies mélancoliques et de nappes de distorsion du Montréalais réputé internationalement.
D’une part, Hecker se sent obligé d’ajouter une dimension narrative à sa musique par les pochettes, illustrations, titres d’albums et de morceaux. "Il faut bien ajouter une colonne poétique. Dieu sait qu’avec ce genre de musique, ça pourrait être n’importe quoi. Mieux vaut ça qu’un gros plan d’une plante ou des images de corps morts", remarque-t-il.
D’autre part, le propos est bien senti, même s’il s’est articulé après ce voyage en Islande lors duquel Hecker s’est enfermé dans une église pendant une soirée (avec son ami, le producteur australien Ben Frost) pour enregistrer, à l’orgue, la prestation-source dont a été tiré Ravedeath, 1972 (d’où la moins grande quantité de distorsion sur l’album). "Je me considère chanceux de faire ce que je fais, mais il m’arrive de trouver que la vie de musicien est misérable. Au moment de produire l’album, c’était ainsi que je me sentais. Je suis tombé sur cette photo de 1972 qui est devenue la pochette: des gens poussant un piano du toit d’une maison. Tout au long du mixage de l’album, c’était ce que je regardais. Ça m’a donné envie de faire comme si l’album avait été enregistré en 1972, même s’il n’a absolument rien de rétro", explique Hecker, chercheur en histoire de la musique de jour.
Pointu, Tim Hecker? Il s’en défend bien. "Je ne cherche pas à me cacher derrière une cape d’abstraction. Comme tous les musiciens, je pars d’une mélodie qui me semble accrocheuse, puis je la transforme à ma guise. La seule différence, c’est que ce n’est pas une suite de vers et de refrains."
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