Éric Bélanger : Papa a raison
La dévotion dans l’action et la naissance d’un rêve tardif sont au coeur de la carrière musicale d’Éric Bélanger, amorcée à 31 ans.
"J’avais 30 ans. Mon premier enfant venait de naître et je me suis imaginé ce que je lui répondrais lorsqu’il me demanderait: "Papa, c’est quoi la vie?" Ça me déprimait de m’imaginer lui répondre un truc à la métro, boulot, dodo. C’était peut-être une crise de la trentaine, mais plutôt que de tout lâcher pour réaliser un vieux rêve, j’ai juste compris que je n’avais jamais vraiment rêvé."
Malgré un talent flagrant pour l’écriture remarqué par ses professeurs dès l’école secondaire, Éric Bélanger avait étudié en génie chimique, puis en psychoéducation. Né d’une famille d’ingénieurs – ses parents se sont rencontrés au Burkina Faso alors qu’ils travaillaient au sein de l’Agence canadienne de développement international -, le jeune homme ne s’était jamais trop posé de questions sur sa fibre artistique jusqu’à ce jour de 2002.
Avant de faire paraître ses albums Bananaspleen (2008) et À 35 millimètres du bonheur (2010), il s’était même lancé dans l’écriture d’un "mauvais" roman. "Ma blonde m’a ensuite inscrit à des cours de chant qui m’ont poussé vers la musique. En même temps, j’étais vraiment pris du syndrome de l’imposteur comme beaucoup d’artistes qui commencent plus tard dans la vie."
Ce sentiment, Bélanger le vit lors de sa première participation à Granby en 2003, où il se "pète la gueule royalement". Si bien que personne ne se souvient de lui lorsqu’il revient au concours en 2006 pour remporter de nombreux prix grâce à ses chansons raffinées, véhicules de textes poétiques, évocateurs. Sur À 35 millimètres du bonheur, un album également lancé en France avec l’appui de l’éditeur Stéphane Berlow (fondateur des éditions BMG), le compositeur se penche habilement sur les pièges de l’amour. "Qu’1 plus 1 n’soit plus nous 2 / Qu’une escale touristique / 2 solitaires dans le même lieu", chante-t-il dans En équilibre qui évoque la pop aérienne et groovy de Jérôme Minière.
"Sur le négatif on est tout à l’envers / Mon coeur est à droite le tien est à l’eau / Dans la chambre noire on est tout à l’envers / Sur le négatif y’a rien à faire", poursuit-il dans Sur le négatif.
La superficialité de notre époque y passe aussi dans la plus minimaliste Splenda, une réflexion poétique née d’une tempête de neige. "On axe beaucoup les choses sur le vite fait, bien fait, mais j’aime prendre mon temps. M’arrêter pour regarder la neige tomber le soir, un spectacle dur à battre. Je crois qu’on accomplit de grandes choses du moment où on prend le temps de les faire avec coeur, qu’on y croit vraiment, même quand ça va mal. Je ne crois pas à l’instantanéité. C’est comme mes albums. Si tu les écoutes en faisant autre chose avec tes chums l’après-midi, tu vas les trouver plates. Mais si tu prends le temps de t’asseoir, de t’installer et de porter attention, tu seras en mesure d’y apprécier les nuances."
Accompagné d’une pianiste sur la scène du Studio-théâtre de la Place des Arts, le chanteur présentera ses compositions en formule dépouillée la semaine prochaine. Une manière d’éliminer les artifices et de mettre l’accent sur les mots, "l’essentiel", comme le dit Bélanger.
À voir si vous aimez /
Michel Rivard, Jérôme Minière, Pierre Lapointe