Who Are You : Funambules en orbite
Musique

Who Are You : Funambules en orbite

Who Are You nous offre une première production intégrale à l’image des récentes expériences artistiques qu’il a vécues. Une synthèse instinctive et poétique qui conjugue les arts.

Les gars de Who Are You attendaient ce moment depuis des lustres et la parution de ce premier album intitulé Breizh (qui veut dire Bretagne en langue celte) semble maintenant les propulser dans un tourbillon à perdre haleine. Assis autour d’une table en compagnie de Josué Beaucage (voix, claviers et banjo), Simon Pedneault (guitares) et Dominic Fournier (batterie et percussions), on voit l’agenda des prochains jours défiler devant leurs yeux, alors qu’ils sont à la veille de compléter la mise en scène de leur nouveau spectacle en compagnie du metteur en scène Olivier Lépine. "J’ai hâte de retrouver un rythme de vie plus sain", constate Josué Beaucage, qui n’a pas connu de répit depuis la fin de l’enregistrement, en décembre dernier.

Les choses sont allées rondement depuis la parution de leur premier EP, il y a trois ans, et la formation a assumé une polyvalence assez surprenante depuis. Les trois musiciens sont devenus le groupe attitré de l’auteure-compositrice-interprète Caroline Desbiens (dont Josué a réalisé l’album) et, dans la foulée, Who Are You s’est retrouvé dans la distribution du spectacle extérieur Où tu vas quand tu dors en marchant? lors du Carrefour international de théâtre à Québec l’année dernière. Le théâtre est aussi au centre des activités de Beaucage qui a, entre autres, signé la musique de la pièce Le "K" Buster de Raphaël Posadas. "C’est intéressant, car en 2008, j’ai gagné une bourse lors du Gala des Prix d’excellence des arts et de la culture pour cette pièce. C’était même grâce à une chanson de Who Are You qui avait été remixée afin d’accompagner une scène précise. Ça m’a ouvert des portes par la suite."

La shop à musique

L’enregistrement de Breizh s’est principalement déroulé dans leur local de pratique, à l’automne, alors que le groupe revenait d’un séjour inspirant en Suisse et en Bretagne. Une parenthèse européenne qui a soudé le trio comme jamais et qui a déclenché un processus de création pour le moins expansif et ambitieux. "On a décidé de faire cet album avec peu de moyens mais beaucoup plus de temps, indique Simon Pedneault. C’est comme ça qu’on a pu expérimenter à notre guise pour se permettre le premier album qu’on voulait."

Le trio en a fait voir de toutes les couleurs à son technicien de son, David Gendron, un complice incontournable dans l’élaboration de cette production parfois atmosphérique, qui fait un clin d’oeil à l’esthétique de Patrick Watson. "C’est un peu ma façon de voir les choses, ajoute Josué. J’aime superposer différents timbres sonores. Lorsque tu as une bonne prise de son, il te suffit ensuite de peaufiner le tout à ta guise. J’aime l’impressionnisme, j’aime la dentelle et les teintes qui s’opposent. C’est un peu ma signature et je reviens souvent à ça. Je ne me considère pas comme un théoricien de la musique. J’explore avant tout et le fait musical doit rester spontané. Techniquement, pour David, c’était un défi. Mais lui, c’est un scientifique du son, toujours calme et posé!"

"C’est ce que j’aime dans ce groupe. On te sort de ta zone de confort, précise Dominic Fournier. On se retrouve parfois avec une idée précise en tête, mais il faut trouver le moyen de l’illustrer musicalement. La seule façon d’y arriver, c’est d’essayer plein de choses et de trouver le "matériel" idéal. Par exemple, on a mis des micros partout dans le corridor à l’extérieur de notre local. Je me suis retrouvé à frapper sur les murs et le sol pour tester l’acoustique. J’ai même utilisé une patère en métal. Elle avait une note incroyable et une sorte de buzz au travers. C’était parfait pour la chanson Glisser, qui conclut l’album."

Et les mots

L’exercice est allé bien au-delà de la musique. Les collaborations se sont multipliées et la poétesse Anne-Julie Royer a même été invitée à faire des lectures poétiques en français sur les pièces de cet album (bilingue), en compagnie de Jim Corcoran, qui signe des "tradaptations" en anglais. "Ma crainte, c’est que ce soit perçu comme un trip hippie, avoue Josué. Mais je voulais avant tout souligner l’aspect "réunion" qu’est Who Are You. Une réunion entre nous trois et avec d’autres artistes qui nous entourent. Et je voulais aussi justifier le fait que ce disque est bilingue… Le français est une question importante au Québec, mais il faut se laisser une liberté en tant que créateur, et si c’est en anglais ou qu’une chanson est bilingue, et bien voilà. J’ai laissé la même liberté à Anne-Julie et elle s’est permis une interprétation personnelle de cette musique. Ce sont des univers distincts qui se rencontrent et qui nous inspirent, comme le théâtre et la danse. C’est ça qui importe."

À écouter si vous aimez /
Patrick Watson, Karkwa, Radiohead