Émilie Clepper : L’étoile solitaire
Émilie Clepper reste fidèle à ses racines et à son instinct. La plus texane des Québécoises s’affiche sans détour avec un deuxième album à son image.
La conversation débute sur un sujet de prédilection: le Texas. Alors qu’Émilie Clepper est en pleine tournée promotionnelle au Québec pour son deuxième album, What You See, elle pense déjà à son prochain séjour à Austin et à sa participation au festival South by Southwest au mois de mars. "Austin, c’est dans mon coeur, précise-t-elle. Québec, c’est ma ville natale, mon épouse, si tu veux. Et Austin, c’est ma muse!"
Par surprenant lorsqu’on entend cette voix atypique et si étroitement liée au folk américain. Ses racines texanes, qu’elle doit à son père, s’expriment naturellement dans sa musique. "Il ne faut pas s’attendre à ce que j’intellectualise mes chansons, nous indique-t-elle. Je les vois plutôt comme des tableaux. Je me promène beaucoup. Je suis à Montréal, mais je reviens constamment à Québec aussi. Chaque année, je retourne au Texas une ou deux fois. Pas pour travailler, mais surtout pour écrire et jouer de la musique avec des amis. Je gravite entre deux mondes très différents, les paysages ne sont pas les mêmes, les gens non plus. Moi, ce que j’aime, c’est me laisser inspirer par les images ou les scènes que je vois, et chanter."
Le grand saut
Après avoir vendu environ 4000 exemplaires de son premier disque autoproduit Things May Come, Émilie Clepper s’est promis, pour What You See, de préserver cette liberté de mouvement et son indépendance artistique. Les choses doivent aller à son rythme et on perçoit même un côté sauvage chez l’interprète. Maintenant associée à l’étiquette de disques La Tribu, elle a pris soin de ne pas s’emballer à propos de sa popularité grandissante au Québec. "Je voulais faire l’album que je désirais, voilà tout. C’est comme ça que j’ai fait Things May Come et les choses ont bien marché! Pourquoi changer?"
Mais cette fois-ci, l’artiste a rassemblé une équipe surprenante. Un collaborateur de prédilection, le guitariste montréalais Joe Grass (virtuose de la six cordes et passionné de country), s’est pointé sur son chemin. D’instinct, Émilie Clepper a décidé d’en faire son complice. "J’avais une totale confiance en ses moyens. Joe est vraiment créatif et sa présence est très forte en studio, résume-t-elle. Lorsque je l’ai rencontré au Festival Pully-Québec en Suisse, l’année dernière, je lui ai demandé de travailler avec moi sans hésiter. Il aime ce que je fais et nous avons les mêmes influences musicales. Il a compris l’univers et le caractère de mes chansons. En fait, il sait trouver les mots justes pour te décrire en images les arrangements qu’il veut te proposer."
Apprivoiser la meute
Installé à la barre de cette réalisation, Joe Grass a fait appel au leader de Plants and Animals, Warren C. Spicer, pour le seconder, un concours de circonstances imprévu ayant amené le tandem Clepper-Grass dans le studio Treatment Room à Montréal. "On avait commencé à enregistrer What You See chez Joe, mais on a eu un problème technique majeur. Lorsqu’on a déménagé au Treatment Room, Warren s’imposait comme technicien de son et il a pu collaborer au mixage aussi. C’est lui qui s’est proposé pour jouer sur certaines chansons. Lorsqu’il a entendu No Use in Trying, par exemple, il entendait un back vocal dans sa tête. Il s’est ensuite mis au piano pour quelques pièces, dont You You qui conclut l’album. Pour moi, c’est l’idéal de travailler ainsi. On est en studio pour créer et on doit s’ouvrir."
Accompagnés par le contrebassiste Miles Perkins et le batteur Robbie Kuster (Patrick Watson), Clepper et Grass ont donné une nouvelle forme d’expression aux chansons, plus ouvertes dans ces circonstances à des arrangements raffinés qui mettent en valeur le caractère intimiste et solitaire des paroles. "Ces musiciens, lorsqu’ils sont réunis, débordent d’idées. Je n’avais pas à les diriger. Robbie est arrivé la première journée et, tout de suite, il savait quoi faire. Quand tu le vois à l’oeuvre, tu comprends que tu as de la chance!"
Malgré tout, certaines pièces s’expriment dans une forme épurée, tout simplement guitare-voix. Avec Freight Train, par exemple, Clepper s’est limitée à l’essence même de la chanson. "Celle-là, elle me suit depuis longtemps. Elle est roots et c’est bien comme ça. Par contre, avec Lake Geneva, c’est de l’open tuning [une façon d’accorder la guitare qui permet de jouer en modes mineur et majeur]. J’adore ça et je voulais absolument écrire une bonne chanson avec cette technique. Mais celle qui me semble la plus originale, c’est sans doute Sarah and Isaac. J’aime bien lorsqu’une musique se transforme. Une longue introduction, qui t’amène ensuite à l’essentiel de l’histoire." Un peu à l’image de sa carrière, qui entame maintenant un chapitre déterminant.
À écouter si vous aimez /
Emmylou Harris, Martha Wainwright, Joanna Newsom