Jane Ehrhardt : Troubadour du passé
Jane Ehrhardt rêve les yeux grands ouverts et à voix haute. Avec l’album A Sleeper’s Dream, elle porte un regard idéaliste sur le présent à l’aide du passé.
Pour comprendre l’univers poétique qui berce la création de cette auteure-compositrice-interprète, vous pourriez vous replonger dans les décors pittoresques des romans de John Steinbeck, avec The Grapes of Wrath (Les raisins de la colère) et Of Mice and Men (Des souris et des hommes), par exemple. Cette artiste aime bien s’inspirer du siècle passé pour mieux interpréter ce qui l’entoure aujourd’hui.
Avec son troisième disque intitulé A Sleeper’s Dream, Jane Ehrhardt, native de Moncton au Nouveau-Brunswick, nous propose un recueil de neuf chansons qui témoigne d’une certaine nostalgie. "C’est vrai, et c’est idéaliste aussi, constate-t-elle. Parfois, j’ai même l’impression de vivre dans le passé. Lors de l’enregistrement de cet album, l’été dernier, je lisais Steinbeck, mais aussi Scott Fitzgerald et Gabrielle Roy. J’aime bien cette période; le début du 20e siècle, je trouve ça inspirant. Il faut dire que mon copain [le batteur Renaud Pilote] étudie en littérature! Mais la musique qui m’inspire correspond, elle aussi, à cette époque."
À l’écoute de la pièce The City, on constate la romantique qui siège dans le coeur d’Ehrhardt. On la retrouve ici en train de nous décrire les aléas d’un quotidien qui se transpose dans la rue, une guitare en bandoulière, à chanter pour les badauds: I plant my feet down and I raise my voice / Above all the racket of the 5 o’clock traffic / And the lonesome cell phone calls.
"L’été, je chantais souvent dans la rue et j’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de pur là-dedans. C’est précieux! Disons que ça contraste avec le bruit et la modernité qui nous entourent. Je ne veux pas m’imaginer une ville où tous les gens seraient fermés sur eux-mêmes, avec des écouteurs en permanence dans les oreilles! On est quand même chanceux d’avoir une vie de quartier à Québec. Lorsque tu marches dans une rue, il n’y a rien de mieux qu’une musique jouée par un inconnu qu’on entend par une fenêtre ouverte!" This is how the city should be / Soft, free and sweeping like a gentle melody, ajoute-t-elle dans le refrain.
Rêveuse: le titre de l’album l’indique et Jane Ehrhardt s’en accommode. Une facette de sa personnalité qu’elle affiche sans crainte. "Le rêve et le mystère, ce sont des thèmes importants sur ce disque. On n’a pas besoin de tout expliquer ou de revenir constamment au concret." Sauf peut-être en ce qui concerne son groupe, alors que l’artiste s’est forgé un nouveau noyau de musiciens l’année dernière. On trouve maintenant le contrebassiste Cédrik Dessureault (Isabeau et les chercheurs d’or), Pascal Larouche au banjo (LaTourelle Orkestra) ainsi que le guitariste Hugo Maltais à ses côtés. "J’ai pris mon temps pour écrire ces chansons. Je voulais aller plus loin et m’y consacrer entièrement. Avec ces nouveaux musiciens, elles ont pu mûrir et les arrangements ont pris de l’ampleur. C’est le disque que j’ai toujours voulu et c’est folk, un style de musique idéal pour réfléchir sur notre époque. On aura toujours besoin de ça."
Jane Ehrhardt
A Sleeper’s Dream
(Disques Nomade/Outside)
À écouter si vous aimez /
Joan Baez, Joni Mitchell, Ron Hynes