Richard Séguin : Compagnon des Amériques
Musique

Richard Séguin : Compagnon des Amériques

Richard Séguin frappe encore avec son nouvel opus Appalaches, toujours engagé, toujours vibrant. Entretien avec un chanteur qui célèbre le continent américain.

Pas étonnant que Richard Séguin se soit emparé des mots Compagnon des Amériques sur le volume deux de l’hommage à Gaston Miron. Ça fait quatre décennies que l’artiste ancre son oeuvre dans cette terre, à coups de couplets routiers, de refrains rassembleurs. Métissage du folk états-unien, qu’il chérit depuis toujours, et de la langue québécoise, pas trop jouale mais pas tout à fait française non plus. Séguin, c’est Vigneault et c’est Dylan. Appalaches creuse une fois de plus ce sillon: guitare, harmonica – le texte bien en avant.

L’auteur-compositeur vit loin de la métropole depuis longtemps. De ses Cantons de l’Est, il raconte son parcours: "Ça fait 38 ans que je reste ici. C’est sûr qu’on est retourné à Montréal quand ma fille était à l’école, mais on revenait toujours ici, dans ce lieu d’ancrage. C’est ma place d’écriture. Tous mes albums ont été écrits ici, de Récolte de rêves jusqu’à celui-ci. C’est un petit village d’une centaine d’habitants. Mais le territoire en tant que tel, je ne l’avais jamais célébré de cette façon-là. J’habite dans ces montagnes-là, c’est là que je "marche" mes chansons. Marcher ses chansons, c’est un rythme qui s’accorde à la réflexion. Tu n’as pas un rythme imposé. C’est la liberté du marcheur, une reconquête de ton temps."

Les fervents de Séguin ont appris à être patients. Le dernier opus studio, Lettres ouvertes, remontait déjà à 2006. Le chanteur a ensuite tourné avec un groupe, puis en formule duo avec Hugo Perreault, son réalisateur actuel. Cette tournée acoustique a été enregistrée et n’attend que le bon moment pour sortir en disque. Quelques spectacles avec la bande des 12 hommes rapaillés. Et le revoici pour nous chanter ses Appalaches, toujours inquiet pour l’avenir du monde.

"Ce qui est dur, ce sont les textes. Je m’arrange pour les avoir au départ. Puis, en marchant, les mélodies prennent place. Tu ne sais pas comment les choses arrivent. Parfois, c’est une idée ou une phrase. Quand tu te mets à écrire, c’est la surprise à chaque fois. Parfois, sur ta table de travail, il y a trois chansons, et tu t’aperçois qu’il suffit de les mettre ensemble pour en faire une bonne!" dit-il en rigolant, avant de poursuivre: "J’aime ben gros l’équilibre entre la route, le spectacle, et prendre le temps d’écrire." Avec Hugo Perreault, ils ont mis environ six mois à élaborer ce nouvel album.

Une seule chanson d’amour sur Appalaches. Séguin se donne à fond dans l’engagement.

"J’ai commencé par la chanson In God We Trust, avec cette exagération du religieux dans le politique. Le regard sur l’Amérique. L’espace de liberté, tu l’as sur le territoire de la chanson. C’est là que je le prenais."

Séguin s’est entouré une fois encore de son parolier fidèle Marc Chabot, en plus de chanter un texte de Charly Bouchara et un autre de Marjolaine Thouin. Perreault a su instaurer un bel écrin instrumental avec ses guitares, mandoline, percussions, harmonium, etc. C’est solide et fait avec sobriété.

Une autre chose qui tient à coeur au chanteur, outre l’indépendance du Québec, c’est la qualité visuelle de ses CD. Il soigne l’emballage car il aime les beaux objets: "C’est une autre forme d’expression artistique. Cette fois-ci, c’est Yves Archambault qui a fait la conception graphique. J’ai fourni plein de photos faites au fil des années autour de chez nous. C’est lui qui a organisé tout ça, recherchant l’unité. Depuis Vagabondage qu’Yves fait mes pochettes."

Richard Séguin, c’est la fidélité: à son pays, ses convictions, sa manière artisanale de pratiquer son métier.

Richard Séguin
Appalaches
(Spectra)

À écouter si vous aimez /
Bob Dylan, Douze hommes rapaillés, Vincent Vallières