Les Charbonniers de l’enfer : Les visiteurs
Entrecroisant les époques, Les Charbonniers de l’enfer insufflent une belle patine vintage à un répertoire plus contemporain que ce à quoi ils nous ont habitués.
"Comment? Même ces purs et durs et incorruptibles Charbonniers succombent à la mode des reprises?" avez-vous peut-être pensé en voyant atterrir Les nouvelles fréquentations chez le disquaire. Pourtant, les cinq interprètes ont toujours donné dans la reprise. "Nous sommes habitués de rouler sur du matériel vieux de deux cents ans, rappelle Michel Bordeleau, dont la voix est mise de l’avant dans Le vent nous portera (Noir Désir) et Chant d’un patriote de Félix Leclerc, notamment. Cette fois, on se rapproche de la modernité."
Le florilège de chansons "charbonnisées" est vaste et diversifié: on passe d’une traduction de Boxcar de Neil Young à La comète de Dédé Fortin, transitant par Plume, Daniel Lanois et Kate McGarrigle. Seule inédite: Bienvenue chez les humains, d’Anne Sylvestre, écrite pour Michel Faubert qui la traînait dans sa besace en attendant le bon moment. "En abordant le répertoire moderne, on a vite compris qu’on se butait à quelque chose de complètement nouveau, tant au niveau des formes écrites, de la construction des chansons que du choix de mots. Les modes musicaux ont évolué avec le temps, et les mélodies étaient pensées autrement voilà deux ou trois cents ans. Même que la gamme de sept notes que l’on connaît, je ne suis pas certain qu’elle existait à l’époque… Exploités différemment, les thèmes, eux, se recoupent: chants d’amour et de guerre, témoignant de la haine entre les peuples et des différences entre les hommes et les femmes, etc."
Contrairement aux artistes qui surfent sur la vague des reprises en cédant à la facilité, les cinq Charbonniers l’ont fait histoire de sortir de leur zone de confort, encore sous le charme des collaborations récentes avec Gilles Vigneault, Robert Charlebois et Loco Locass, des rencontres qui les ont amenés ailleurs. Le choix des titres s’est opéré parmi environ cinq cents morceaux, chacun interrogeant d’abord sa discothèque personnelle. "Une fois qu’on a épuisé ça, on est allé fouiner dans celles d’amis mélomanes, puis sur iTunes, pratique pour parcourir du répertoire. Si on accrochait aux trente premières secondes d’une chanson, on l’achetait, de manière à se constituer une belle banque. Il fallait qu’au moins quatre Charbonniers sur cinq aient envie de faire une chanson pour qu’on décide de passer du temps dessus. On a été surpris de voir à quel point nos goûts différaient en répertoire contemporain!"
De nouveaux et nombreux défis les attendaient: "On s’est rendu compte que les chansons ne nous convenaient pas toutes… On n’arrivait pas toujours à installer le drone ou bourdon – la note maintenue tout au long de la mélodie – et ça nous faisait parfois ressembler à une chorale… Dès qu’on s’éloignait un peu trop de notre identité, on disait wôôô et on mettait la pièce de côté."
Comme auditeur, on se laisse hypnotiser par les voix harmonisées, bien sûr, toujours aussi médusantes, presque hypnotiques, mais ce qui frappe et saisit à l’écoute des Nouvelles fréquentations, c’est la façon dont les textes ressortent ainsi revisités; cela est flagrant et très réussi dans le cas de Jours de plaine (Daniel Lavoie), par exemple. Joli petit coup de vieux pour des airs de toute évidence intemporels.
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