Pierre Lapointe : Seul mais juste au piano
Musique

Pierre Lapointe : Seul mais juste au piano

Déjà 10 ans que Pierre Lapointe mène sa carrière professionnelle. Littéralement abonné au succès, le chanteur a bien voulu lever le voile sur les aléas d’une telle réussite.

Pierre Lapointe jouit d’une notoriété à laquelle bien des auteurs-compositeurs-interprètes québécois ne peuvent prétendre. Ses admirateurs lui vouent pratiquement un culte, tandis que ses détracteurs entretiennent avec lui un sentiment d’amour-haine. Celui qui s’est fait principalement connaître du grand public grâce à son deuxième album, La forêt des mal-aimés, en est tout à fait conscient.

Cette aversion qu’ont certaines personnes à son égard est en quelque sorte le prix à payer pour une stratégie qui s’est toutefois avérée gagnante. Avec amusement, Pierre Lapointe fait la lumière sur les origines de son personnage de scène, avec lequel il doit partager la même ombre: "Je parle de ça en show en riant, mais je devais créer une image forte dans la tête des gens pour qu’ils se souviennent de moi. Comme j’ai l’air snob quand je suis gêné et mal à l’aise, je savais qu’en essayant de contrer ça, j’aurais seulement l’air faux. J’ai donc amplifié cette image-là de gars un peu trop au-dessus de ses affaires. Ça a fonctionné, même si ça ne correspond pas vraiment à ce que je suis dans la réalité. Maintenant, quand je côtoie du monde professionnellement, ça arrive souvent que je me fais dire: "C’est le fun finalement travailler avec toi.""

En fait, il est plutôt facile de se méprendre à propos de cette ligne qui sépare le Pierre Lapointe qui est animé par un besoin de créer et le Pierre Lapointe qui est resté ancré dans la mémoire populaire comme étant à la limite du personnage fendant à l’excès. Le chanteur lui-même a dû vivre avec cette dualité, en quelque sorte. "Ce n’est pas mon genre, mais j’aurais pu m’enfermer dans un monde où je passerais mon temps à m’autoféliciter. Le danger est là, car dans l’univers du spectacle, tout est organisé pour te faire croire que tu es super important. Ça peut être très mêlant au début et ça peut rapidement devenir malsain. À la différence des autres métiers, quand tu as du succès en chanson, la reconnaissance vient avec ça et ton visage est connu. Et être connu fait partie des choses que l’on valorise socialement. Donc, même si c’est à petite échelle, tu deviens "surimportant" par rapport à ta valeur réelle. C’est très facile de tomber dans ce piège-là."

Lorsque Lapointe parle des gens qui oeuvrent dans un milieu autre que la chanson, on sent un énorme respect à leur égard. Non pas de l’empathie, mais surtout de la fascination. D’ailleurs, parallèlement à son parcours de chanteur populaire où les chansons, les albums et les concerts se succèdent, l’interprète de Deux par deux rassemblés insiste afin de s’impliquer dans des projets de création dans lesquels il peut se fondre dans le travail des autres. En mai prochain, il présentera en compagnie de l’artiste visuel David Altmejd Le conte crépusculaire, récit épique d’un souverain endeuillé par sa propre mort imminente. De plus, il a récemment cosigné avec Philippe Brault la musique du long métrage Le vendeur du réalisateur saguenéen Sébastien Pilote.

En multipliant de telles collaborations, on peut dire que le chanteur échappe à la complaisance. "Il y a des gens qui sont très pro-dévotion à une seule cause. De mon côté, je suis convaincu que pour avoir un regard relativement nouveau sur ce que l’on fait, il faut absolument échanger avec des gens qui font des trucs connexes mais sans rapport avec notre premier métier. De cette façon, on se confronte à d’autres formes d’idées et on s’oblige à réaliser qu’on n’est pas le seul à faire des trucs hot. Finalement, notre métier est un métier comme un autre. Tous les métiers peuvent s’influencer; ça permet de ne pas se concentrer seulement sur notre propre nombril."

Pour les années à venir, on peut croire que Pierre Lapointe n’a pas fini de faire voyager son auditoire grâce à ses explorations des genres musicaux et des disciplines artistiques. "Juste être chanteur, je pense que je m’emmerderais. J’aime trop ça rencontrer du monde et travailler avec d’autres créateurs. C’est essentiel de stimuler les rencontres et d’échanger avec d’autres artistes. Si je me limitais à rester chez moi et à écrire des chansons, je m’endormirais, et à la fin, je serais bien déçu de moi."

Tout indique que nous n’avons encore rien vu pendant ces 10 premières années. Maintenant, on vous épargne les mauvais jeux de mots avec Lapointe et iceberg.

À écouter si vous aimez /
Richard Desjardins, Jacques Brel, Barbara