Romulo Larrea : Suivre la danse, et le chef
Musique

Romulo Larrea : Suivre la danse, et le chef

Romulo Larrea est devenu un ambassadeur du tango au Québec. Son ensemble et lui semblent au sommet de leur art, et même New York leur ouvre ses portes. Le chef est en feu.

S’attaquer à l’histoire du tango n’est pas une mince affaire. Caractérisé par la danse et marqué par des figures emblématiques comme le chanteur Carlos Gardel et le chef d’orchestre Aníbal Troilo, ce style musical a connu son lot de mutations au courant du siècle dernier avec Astor Piazzolla, connu de tous. Le bandonéoniste Romulo Larrea et son ensemble ont mis la main à la pâte pour nous concocter une rétrospective audacieuse. Quinze disques au total qui ont jalonné la direction artistique de l’orchestre au courant des 20 dernières années.

Après ce périple musical, Larrea se montre aujourd’hui toujours aussi passionné du tango, sa vocation. Né à Montevideo, capitale de l’Uruguay, où il a commencé sa carrière de musicien, il constate à quel point son orchestre a fait du chemin depuis sa création dans les années 80. "On garde en mémoire d’où on vient et à quel point on n’avait rien, constate-t-il. Maintenant, cet ensemble créé au Québec est invité à Broadway pour faire une création au Town Hall Theatre!"

"Tu sais, je ne me plains pas! ajoute-t-il. J’ai connu Astor Piazzolla quand j’étais étudiant. J’ai constaté à quel point il a eu la vie difficile à Buenos Aires. C’est incroyable le nombre d’épreuves qu’il a vécues! J’ai encore des originaux de Piazzolla chez moi. C’est très précieux, car ces partitions témoignent des conditions de travail du compositeur. Il utilisait des partitions usagées qu’un ami copiste au Philharmonique de Buenos Aires récupérait pour lui. Astor Piazzolla n’avait pas de moyens et il nous a laissé une oeuvre incroyable!"

Avec son nouveau spectacle Pleins feux sur le tango, qu’il donne en compagnie de sa fille Verónica Larc (chant et guitare) et de trois couples de danseurs professionnels, le chef d’orchestre a le sentiment de nous montrer son ensemble au sommet de son art. Une entreprise presque familiale, dont il guide l’évolution avec rigueur. "Il y a un mot très puissant qui définit notre marketing: tango, indique-t-il. Mais on ne veut pas que les gens soient devant un cliché. Ce public doit être ouvert au dépaysement. Il y a certains solistes, issus de la musique classique, qui pensent que le tango, c’est une joke! Ceux-là, je ne veux pas les connaître. Ceux avec qui je travaille, ils constatent rapidement qu’il n’y a pas de place pour l’improvisation. Cette musique, elle doit surprendre le public, pas moi! Les arrangements que je fais ne laissent pas de place aux solistes qui veulent parader en solo."

Ce fin arrangeur, qui cultive aussi le rêve de faire un opéra en tango (tel que l’imaginait Piazzolla), est un puriste. Pour lui, cet art est un ensemble de composantes qu’il faut manipuler avec soin. "Le tango, c’est un tableau. On doit faire un exercice de synthèse très pointu. En quatre minutes, on se retrouve parfois avec cinq variations différentes sur un même thème! Et on compose avec des danseurs qui, eux, donnent au public une vision humaine de cette musique. En tant que musiciens, nous devons être honorés de jouer pour ces danseurs."

À écouter si vous aimez /
L’Astor Quartet de Gidon Kremer, Astor Piazzolla