Destroyer : Kenny G non-stop
Musique

Destroyer : Kenny G non-stop

Avec Kaputt, Destroyer désarçonne l’auditeur en lui proposant une relecture intelligente de motifs musicaux associés à des genres mal-aimés. Clins d’oeil empreints d’ironie ou candeur enthousiaste?

Quand Kaputt, le dernier album de Destroyer, est paru, fin janvier, il a été reçu de deux façons. Les uns ont crié à l’imposture devant l’intégration d’éléments associés au smooth jazz et à la musique du tournant des années 80; les autres ont célébré la relecture ingénieuse du son de l’époque, esquissant un sourire devant cette réhabilitation habile des saxos cheesy, trompettes racoleuses, synthés cosmiques et motifs rythmiques empruntés au soft rock.

On a beau faire partie des seconds, la question du cabotinage se pose: y a-t-il une petite once d’ironie dans le solo de flûte traversière qu’on entend à la deuxième minute de Suicide Demo for Kara Walker? "Non, j’ai tout fait avec amour, se défend Daniel Bejar. L’ironie en musique ne m’interpelle pas. John Collins (coréalisateur) et moi voulions aller dans cette direction dès le départ, et de notre point de vue, il n’a jamais été question d’un exercice de réhabilitation; ça ne se voulait pas référentiel."

Kaputt est en rupture avec les huit albums qui le précèdent. "Oui, dans l’écriture des textes et dans l’interprétation aussi. Ces dernières années, j’ai passé pas mal de temps à écouter de la musique instrumentale et des trames sonores de films. Je pense que ça a joué." L’interprétation est apaisée, Bejar paraît décontracté, le grain de voix est chaud, accordé à cette pop chatoyante et lumineuse qu’il fait sienne.

Le titre – Kaputt – s’inspire du grand roman de l’écrivain italien Curzio Malaparte, un livre que le Canadien originaire de Vancouver avoue n’avoir pourtant jamais lu. "C’est l’alignement des lettres qui m’a intéressé. Puis on m’a dit que ça signifiait "brisé" ou "écroulé" en allemand et que ça laissait entendre que cet album était peut-être le chant du cygne de Destroyer… Ce n’est pas le cas!" Les textes sont intrigants et en partie cryptés, même aux yeux du principal intéressé: "Il y a quelque chose d’embrumé dans mes textes, des souvenirs d’excès et de décadence évoqués avec une distance et un ton qui n’ont rien d’accablé. Cette disparité entre le sujet et l’interprétation me plaît. Je comprends les paroles de Kaputt comme le soliloque d’un vieil homme qui marmonne pour lui-même en se remémorant sa vie passée."

À écouter si vous aimez /
Belle and Sebastian, l’approche décalée de Gonzales, le smooth jazz