Johnny Clegg : L'Afrique c'est tout ça
Musique

Johnny Clegg : L’Afrique c’est tout ça

Johnny Clegg chante l’Afrique comme si elle était le monde entier. Avec l’album Human, le Sud-Africain fait fi des traditions et devient un artiste sans frontières.

Il est rare qu’une figure emblématique de la musique nous avoue n’être qu’un artiste qui pratique le crossover. Cette expression est devenue péjorative avec le temps, mais Johnny Clegg tient à nommer les choses par leur nom. Avec son dernier album Human, le musicien n’est jamais allé aussi loin dans le mélange des genres. Au point où, lors de sa sortie en 2010, on s’est demandé si des ambitions professionnelles aux États-Unis n’avaient pas influencé cette démarche artistique plus accessible et hétéroclite. Avec cette dernière production, on peut dire qu’il y en a pour tous les goûts.

"Je ne me suis jamais considéré comme un artiste qui fait de la musique du monde, précise-t-il. Un artiste de cette trempe va se concentrer sur un seul style de musique et respecter une tradition. Moi, je prends plaisir à mélanger tous les styles. Avec Human, il y a de tout: de la musique cubaine, de la musique africaine, du rock, de la musique tribale et même des ballades écrites dans la tradition américaine folk. Ça n’a pas été facile pour ma compagnie de disques de faire le marketing de cet album. Pourtant, je fais cette musique depuis plus de 30 ans!"

Certains thèmes sont tout de même récurrents dans l’oeuvre de l’auteur-compositeur-interprète sud-africain. Il n’en démord pas, l’Afrique et la justice sociale demeurent ses sujets de prédilection. En 2010, le décès d’une personnalité politique américaine a retenu son attention et fut le prétexte idéal pour illustrer à nouveau ses convictions. Avec la chanson rock Hidden Away Down, à la mémoire du sénateur Edward "Ted" Kennedy, Clegg a voulu partager avec nous un souvenir impérissable.

"Il était venu en Afrique du Sud lorsque j’étais étudiant, au début des années 70, se rappelle-t-il. Il n’était pas seulement venu pour nous dire que notre pays était en difficulté. Ce qui était nouveau, c’est qu’il nous avait montré que l’Amérique non plus n’était pas parfaite. Il dénonçait les politiques intérieures aux États-Unis et soulignait les défis qu’il fallait relever: la lutte contre la pauvreté et le racisme. Dans le fond, il partageait avec nous une soif de justice sociale, sans s’apitoyer sur le sort de l’Afrique. Et tout ça avec un sens de l’humour incroyable! Ce discours a été très mal reçu par les autorités politiques sud-africaines en cette époque d’apartheid. Mais pour nous, c’était une source de motivation! C’était un geste courageux de la part d’un jeune Kennedy, et je m’en souviendrai toujours."

On le sait, une figure politique a été déterminante pour l’Afrique du Sud: Nelson Mandela. Maintenant au crépuscule de sa vie, ce leader charismatique semble avoir bien peu à offrir. Et on se demande qui pourra reprendre le flambeau. "Vois-tu, la corruption est partout en Afrique du Sud aujourd’hui. Le succès économique est devenu une obsession et tout a dérapé. Nous n’avons pas besoin d’un second Nelson Mandela. Nous avons plutôt besoin d’institutions politiques compétentes et fortes. C’est ainsi que les politiciens africains deviendront des hommes responsables."

À écouter si vous aimez /
Salif Keita, Angélique Kidjo, Paul Simon