Pixies : Voyage temporel
Les Pixies s’amènent en ville pour interpréter leur mythique album Doolittle dans son intégralité.
L’album s’ouvre sur des notes de basse toutes simples. Un riff martelé avec aplomb, appuyé brièvement par le hurlement des guitares, puis vite secondé par une mélodie rock classique et accessible, de quoi créer un équilibre avec la voix hurlante, quasi démoniaque, du chanteur Black Francis.
Intitulée Debaser, la pièce est devenue un classique des Pixies à l’instar de Wave of Mutilation, Here Comes Your Man et Monkey Gone to Heaven, toutes tirées de l’album Doolittle que le groupe interprétera dans son intégralité la semaine prochaine au Métropolis.
La musique alternative
Paru en 1989, le disque largement inspiré du mouvement punk a transformé la face du rock. Celle-ci allait prendre un virage à gauche au début des années 90, notamment grâce au succès de Nirvana ouvertement influencé par les Pixies. "À la sortie de Doolittle, la grosse mode était aux bands métal de pouilleux, se souvient le guitariste Joey Santiago. Soit ces groupes cherchaient le succès commercial, soit ils voulaient juste jouer trop vite. Nous savions que notre musique était différente, mais notre seul but était d’accoucher d’un disque direct et dépouillé, un vrai coup de poing."
Encaissé par une génération d’ados désabusés, le cri du coeur des Pixies a trouvé plus d’un million de preneurs depuis sa sortie il y a 22 ans, donnant naissance à une horde de groupes hommage à la formation de Boston. Des émules baptisés The Debasers dans bien des cas. "C’est clair que nous ignorions quel impact aurait l’album. On a toutefois commencé à comprendre qu’on s’embarquait dans quelque chose de gros lorsqu’on a vu notre agence organiser des concerts d’envergure et négocier avec d’importants festivals qui voulaient les Pixies en tête d’affiche. C’était excitant, mais lorsque tu te trouves au coeur de l’ouragan, tu as du mal à analyser son ampleur", souligne Santiago qui garde en tête cette image de Black Francis enregistrant les pistes vocales de Doolittle enfermé dans l’armoire à balais d’une maison privée transformée en studio. "Je crois qu’on a fait le disque en 10 jours. Il faut dire que plusieurs pièces avaient été écrites pendant la tournée de Surfer Rosa (1988)."
Un album, un concert
Séparés en 1993 pour renaître de leurs cendres en 2004, lors d’une série de concerts retrouvailles immortalisés avec transparence dans l’excellent documentaire loudQUIETloud, les Pixies se sont lancés dans la tournée Doolittle en 2009. Présenté un peu partout en Europe, le spectacle reprend l’imagerie de l’album, notamment dans son décor et ses projections. Tout est mis en oeuvre pour ramener le public en arrière. "On commence le concert par quelques B-sides (les Dancing the Manta Ray, Manta Ray, Baileys Walk, Into the White), puis on enchaîne avec les chansons du disque interprétées dans le même ordre. C’est hallucinant de sentir l’excitation et l’anticipation de la foule avant de jouer certains titres. Les gens deviennent fous avant même qu’on ait joué les premiers accords de Wave of Mutilation juste parce qu’ils savent que ce sera la prochaine."
Baptisée full-album concerts par les anglophones, la tendance est en vogue dans le paysage rock actuel. Après la mode des tournées retrouvailles, les groupes plus âgés se lancent dans des concerts lors desquels ils interprètent un album, souvent leur plus marquant, dans son intégralité. Une stratégie idéale pour réanimer une magie disparue. "Plus besoin d’aller voler le setlist sur scène, clament les détracteurs du mouvement. L’ordre des chansons se trouve à l’arrière de votre pochette d’album." Peut-être, mais, bien que prévisible, l’exercice fonctionne. Plusieurs paieraient une fortune pour voir les Stones jouer Let It Bleed. "Les gens qui achètent des billets pour ces concerts ne le font pas pour être surpris, mais pour entendre de bonnes chansons, et c’est exactement ce qu’on leur offre", rétorque Santiago qui complète le groupe avec la bassiste Kim Deal et le batteur David Lovering. "J’ai récemment vu Weezer jouer Pinkerton au complet. C’était génial! Tu sais, toutes les bonnes pièces de théâtre s’appuient sur un scénario. C’est la même chose ici. Les membres du groupe connaissent leur rôle, on applique le plan à la lettre, et le résultat est convaincant."
Et pour le rappel? "Chaque musicien choisit une pièce. Il reste donc quatre surprises pour ceux qui préfèrent l’inconnu."
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Nirvana, The Breeders, The Stooges