Marjo : Celle qui va encore
Musique

Marjo : Celle qui va encore

À un âge où ses compères préfèrent mettre la pédale douce, Marjo multiplie les concerts explosifs tout en ayant en tête un retour aux sources sur disque.

Si le rock québécois au féminin devait être personnifié, il emprunterait sans aucun doute les traits de Marjo. Après plus de 30 ans d’activité, la chanteuse éprouve visiblement un malin plaisir à voir son public se renouveler lors de ses concerts. "À un moment donné, pendant un solo de guitare, je me suis dit: "Coudonc, est-ce que je suis dans un show de Bon Jovi ou quoi?" J’aime ça laisser la place aux guitaristes, je trouve ça important. J’ai été élevée en groupe et je ne peux pas oublier que je pars de Corbeau. Je suis une fille de band et même si je suis Marjo en solo, les gars qui jouent avec moi méritent de prendre le stage et de s’amuser. Donc quand je vois les filles en avant dans le public qui tripent à les écouter, je me dis qu’on joue encore de la bonne musique et que la jeunesse est encore là."

Questionnée à propos de sa renommée au sein du showbiz québécois, Marjo avoue ne pas s’en soucier. Une chose est certaine, on ne peut pas lui reprocher de jouer à la star inatteignable. "Je me suis aperçue qu’à travers le Québec, il y a beaucoup de groupes qui font des hommages à Corbeau ou à Marjo. Quand Jean Millaire était mon chum, on allait en voir et j’allais parfois partager des chansons avec eux. Habituellement, ceux qui font ça travaillent assez bien. Y a plein de beaux musiciens au Québec, c’est rempli. Si tout le monde prenait d’assaut toutes les scènes, ça ne finirait plus!"

Au cours des dernières années, Marjo a fait paraître deux disques de duos. Le succès a été tel que plus de 50 000 copies ont trouvé preneur. Toutefois, au-delà de cette réussite commerciale, la rockeuse insiste davantage sur le caractère humain de l’expérience. "Ce que j’ai appris de ça, c’est à partager la scène. Quand tu es une artiste solo, toute la scène t’appartient. Tes moves, ce sont tes moves, et le public, c’est le tien. Mais là, tu es deux à chanter et à partager une chanson. C’est un apprentissage. Il faut être généreux avec celui avec qui tu chantes, savoir profiter de son envol. Ce n’était pas évident au début. Dans les pièces rock, c’est plus facile, car on est des givers, on donne dans le rock n’ roll. Mais quand on s’en va dans les ballades rock, c’est plus délicat. Je devais me dire: "OK, Marjolaine, calme tes nerfs." Ça m’a appris à me calmer!"

Conséquence de cet apprentissage ou simple effet du hasard, le nouveau spectacle de Marjo comprend un bloc acoustique. Cependant, l’interprète de Provocante est loin de renier ses origines. "Je préfère chanter des tounes rock, mais si on ne faisait que ça, on finirait tous à genoux, à bout de souffle. Parce que même si je m’enligne sur mes 58 ans, je n’ai pas changé. Je monte sur scène et je donne mon max. Quant on jouait avec Corbeau au Club Soda, je me souviens qu’il y avait des gars qui venaient me demander: "Heille Marjo, jusqu’à quel âge tu vas chanter J’lâche pas?" Moi, j’y pensais pas."

Il y a déjà longtemps que le côté rock de Marjo ne s’est pas manifesté sur disque. Ses dernières parutions ont plutôt laissé place à la douceur des ballades. À cette remarque, celle qui va éclate de rire. "Chus tannée des ballades! Les chansons que Jean me donnait venaient du blues, mais c’était jamais assez rock pour moi. Je suis une fille énergique, il faut que ça bouge! La ballade est nécessaire dans un show pour reprendre son souffle, mais pas trois millions, quand même!"

Enfin, au dire de Marjo, tout indique que le matériel à venir fera le bonheur des amateurs de la version plus épicée de la chanteuse. "Dans Corbeau, on "jammait" pour écrire nos tounes. On se mettait tous en gang, et quand on sortait quelque chose, je m’en retournais à la maison et je travaillais sur ce qu’on avait trouvé. Après ça, quand je suis tombée en solo, je disais à Jean: "Ça ne me tente plus de faire ça. Donne-moi des musiques et je vais les faire à la maison à la place." Je pensais que c’était plus facile de travailler seul dans son environnement, mais je m’étais trompée. Alors là, il y a trois semaines, j’ai prévenu mon band qu’on allait revenir à la source. On va "jammer" et là, on va sortir des bonnes tounes!"

Marjo n’a assurément pas enregistré son dernier rock.

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