Raôul Duguay : Rêveur réveillé
À 72 ans sonnés, le poète et philosophe Raôul Duguay n’a pas encore dit son dernier mot. Voilà qu’il remonte sur scène afin de nous faire rêver une fois de plus.
Trop souvent, on reste avec cette image d’un Raôul Duguay animé par une douce folie. À cet effet, l’artiste n’hésite pas à remettre les pendules à l’heure. "On vit dans un climat morose et moi, j’essaie d’activer ça. Il y a certaines personnes qui croient que je suis drôle et flyé, mais il ne faut vraiment pas me coller cette étiquette-là d’une manière globale. Avant tout, je suis un gars très sérieux. Par contre, être trop sérieux longtemps, ça devient plate, et faire le fou tout le temps, ça aussi ça devient plate. J’essaie seulement de trouver un équilibre."
Il y a quelques mois, Raôul faisait paraître son 16e disque en carrière. Intitulé J’ai soif, cet album-concept exploite la thématique de l’eau. Du même coup, Duguay partage avec nous ses inquiétudes en laissant toutefois rayonner l’espoir d’un monde meilleur. Dans une société aussi cynique que la nôtre, se sent-il comme le dernier des Mohicans? "Bien sûr que je suis un idéaliste et un utopiste, mais mon rôle en tant qu’artiste est de donner un rêve à rêver à un peuple. Je suis un rêveur réveillé. J’essaie d’imaginer la beauté du monde et de traduire le rapport de l’homme avec la nature, l’univers, la femme et les enfants. La vie, quoi."
À la différence de nombreux disques populaires, J’ai soif est un voyage non linéaire où le lyrisme est maître. Raôul Duguay et les standards commerciaux font indéniablement deux. "Je ne pense pas être hermétique. Je crois que mon langage est très comestible et que tout le monde peut comprendre ce que je dis. Ça demande quand même réflexion, et ceux qui ne réfléchissent à rien, ça ne les intéresse probablement pas. Ils préfèrent probablement les chansons qui passent rapidement et qu’on oublie l’instant d’après. Ma musique ne se consomme pas de la même façon. Elle n’est pas jetable. C’est de la fine cuisine, mais elle est comestible pour qui veut bien prendre le temps de la déguster."
Le succès populaire, Duguay l’a connu grâce à une chanson ancrée à jamais dans l’imaginaire québécois. Entretient-il un certain rapport amour-haine avec celle-ci? "La Bittt à Tibi, c’est l’arbre qui cache la forêt. L’arbre est gros, on le voit et il est beau, mais souvent, j’aimerais ça que les gens réalisent que derrière ça, il y a plein d’arbres qu’ils n’ont pas écoutés. C’est une arme à double tranchant. Cette chanson-là m’a permis de me faire connaître du grand public et c’est une chance extraordinaire. Par contre, comme je n’ai jamais cédé au système commercial, je suis un peu pénalisé sur le plan historique de ma carrière pour avoir choisi d’être tout le temps différent. C’est comme si on m’accusait d’être en vie et de changer. Quand bien même que je referais d’autres Bittt à Tibi, je serais le premier à me trouver plate de faire ça. Ce qui me passionne, c’est de me renouveler. Ce que j’ai déjà fait, ça ne m’intéresse plus."
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Jacques Brel, Richard Desjardins