Madeleine Peyroux : Mariage moderne
Sur Standing on the Rooftop, Madeleine Peyroux, figure incontournable du jazz, explore de nouvelles sonorités, et redécouvre sa voix au passage.
Madeleine Peyroux, cette chanteuse jazz qui sait entre autres magnifier les chansons folk-blues qui lui tombent sous la main, est aussi l’amie des animaux. Sur la pochette de son cinquième album, Standing on the Rooftop, un recueil de méconnaissables reprises et d’audacieuses compositions, on la retrouve en compagnie d’un chien aux yeux piteux. "Ce n’est malheureusement pas le mien, déplore-t-elle. Il s’est retrouvé là car j’avais mentionné à la photographe que les animaux faisaient partie des choses qui me rendent à l’aise lors des séances photo. (Rires.)"
Peut-être faut-il voir là un lien avec la toute première pièce du disque, Martha My Dear des Beatles, qui aurait été écrite pour la chienne de Paul McCartney! Avec son doigté, Peyroux a su dresser la bête. "Mon approche fut de déconstruire la chanson, de n’en retenir que le rythme. Dans la première moitié, on trouve une section baroque au piano, et dans la deuxième, le rock’n’roll embarque. J’ai déduit que l’intention était de marier ces deux styles. Ça m’a beaucoup inspirée, car c’est ce que je tentais de faire avec mes chansons. Je ne voulais pas penser de manière jazz, mais de façon postmoderne ou moderne, et marier ça avec un rythme de chanson pop."
"J’ai expérimenté des sons plus modernes, mais je crois avoir seulement effleuré la surface. Il sera intéressant de continuer dans cette voie. C’est très excitant!" Standing on the Rooftop ressemble donc à un nouveau chapitre pour la chanteuse. En plus d’être sur une nouvelle étiquette de disques (Decca), elle dit redécouvrir sa voix (qui fut maintes fois comparée à celle de la grande Billie Holiday). "Je trouve qu’à 37 ans, une voix de femme est mature, et j’ai assurément une nouvelle relation avec ma voix. Je la trouve plus puissante, plus heureuse! Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens. Il s’agit d’une période fascinante!"
AU-DELÀ DE LA ROMANCE
On ne peut pas reprocher à Madeleine Peyroux de faire des choix banals pour ses interprétations. Sur Standing on the Rooftop, elle chante Love in Vain du mythique Robert Johnson. Autre disparu qu’elle a su interpréter avec justesse: Elliott Smith. Between the Bars se retrouvait sur son deuxième disque, Careless Love (certifié or). "Je crois qu’on m’avait proposé cette chanson parce qu’on savait que je pouvais comprendre son personnage, son histoire. Ça revient aux choix que doit faire l’interprète: s’entourer de plusieurs reflets de soi afin de se reconnaître dans son répertoire."
Pour l’écriture de compositions, l’exercice est similaire. Peyroux collabore principalement avec son entourage. "La plupart sont des gens que je connais depuis fort longtemps, que j’admire, comme David Batteau avec qui j’ai écrit les chansons que je préfère sur mon dernier disque [Bare Bones]. Quant à Bill Wyman [ancien membre des Rolling Stones], on s’est croisés lors d’un festival à Nice et on s’est retrouvés à écrire une chanson ensemble." Cette rencontre inusitée a donné The Kind You Can’t Afford.
Autre collaboration fructueuse: celle avec Marc Ribot (qui jouait sur Dreamland, le tout premier disque de Peyroux, sorti en 1996). Le guitariste est arrivé avec la musique pour Lay Your Sleeping Head, My Love, un texte de W. H. Auden, l’enfant terrible de la poésie anglaise. "Je crois qu’Auden parlait d’homosexualité. Pour moi, il s’agit d’un manifeste humaniste: malgré les injustices, il y a cette recherche de tendresse, d’innocence… D’ailleurs, sur ce disque, j’ai tenté de m’ouvrir à tous les aspects du mot amour. L’amour n’est pas que romantique."
Madeleine Peyroux
Standing on the Rooftop
(Decca)
À écouter si vous aimez /
Billie Holiday, Joni Mitchell, Norah Jones