Nortec Collective : Son du nord
Derrière le Nortec Collective se cachent Bostich et Fussible, deux DJ visionnaires qui ont trouvé le compromis idéal afin de faire de l’électro, chez eux, à Tijuana.
Il faut se plonger dans le coeur de la ville de Tijuana, au Mexique, pour comprendre toute la symbolique derrière le travail des DJ Bostich (Ramon Amezcua) et Fussible (Pepe Mogt), maîtres d’oeuvre du Nortec Collective, qui marie l’électronique à la musique traditionnelle mexicaine du nord (d’où le terme nortec). D’ailleurs, leur dernier album s’intitule Bulevar 2000, en référence à un boulevard qui traverse et longe Tijuana. Cette artère est vite devenue un lieu très controversé au milieu des années 2000, pour ne pas dire le fief de tous les coupe-gorge du nord du Mexique. Au lieu d’adopter l’attitude gangsta, les deux artistes ont plutôt décidé d’exorciser cette réalité.
"C’est un gigantesque boulevard qui a été construit pour décongestionner la circulation et rendre la vie plus agréable, nous explique Pepe Mogt. Malheureusement, c’est tout le contraire qui s’est produit. Le boulevard 2000 est devenu une zone très criminalisée; s’y aventurer relevait presque du suicide. La mafia a fait main basse sur le territoire et, du coup, on n’entendait parler que de meurtres et d’accidents douteux. On a eu l’idée de faire cet album lorsqu’on était en tournée, il y a trois ans environ, pour les Tijuana Sessions qui nous ont fait connaître. On regardait les nouvelles sur Internet et on était découragés de voir à quel point Tijuana était devenue une capitale du crime! On a alors décidé de donner une autre image de notre ville. Non seulement ça, mais en voyageant un peu partout aux États-Unis et en Europe, on s’est inspirés de la vision qu’avaient les autres de Tijuana au contact de notre musique. Et maintenant, en faisant une recherche sur Internet sur le boulevard 2000, les gens trouvent notre musique. C’est pas mal!"
Pepe Mogt nous rassure, les choses ont bien changé dans sa ville natale. Le boulevard en question est maintenant plus sûr, et Tijuana, de plus en plus ouverte au monde extérieur. Une tout autre réalité en comparaison de celle qu’ont connue les deux DJ les plus connus du Mexique. "Lorsqu’on était jeunes, Bostich et moi, la musique traditionnelle mexicaine nous déprimait… Une chance qu’il y avait une station de radio de San Diego qui se rendait jusqu’à nous. Les autorités de Tijuana trouvaient plus économique d’en retransmettre les émissions que de construire une véritable station de radio! On enregistrait tout ce qu’on pouvait et on se rendait à San Diego pour assister aux concerts", se rappelle-t-il en riant.
Il n’en fallait pas plus pour inciter les deux mélomanes à développer une culture de clubbing dans la ville de tous les péchés. "On n’avait pas le choix d’avoir un orchestre avec nous. Essayer d’expliquer aux propriétaires des boîtes de nuit qu’on était DJ, c’était une perte de temps. Il fallait jouer d’un "véritable" instrument: guitare, trompette, etc. C’est pour ça qu’on a recruté un orchestre: pour se cacher derrière et mixer!" Et voilà, le Nortec Collective était né!
À écouter si vous aimez /
La musique norteña, Kraftwerk, Manu Chao