Tim Robbins : Arrête ton cinéma
Tim Robbins est né dans la musique, a conquis Hollywood et milite avec passion. Le temps d’un disque, il passe de la caméra au micro. Un retour aux sources s’imposait.
La consigne est stricte: on ne parle pas de cinéma, mais de musique, SVP. Cela peut paraître normal, du moins lorsqu’on interviewe un musicien. Par contre, lorsqu’il s’agit de Tim Robbins, cette consigne est un défi de taille. Et c’est le cas de le dire. Non seulement le comédien mesure 6 pieds et 4 pouces, mais il a remporté l’Oscar du meilleur acteur de soutien pour son interprétation dans le film Mystic River, en 2003. Mais voyez-vous, Robbins s’apprête à lancer un premier album en carrière intitulé Tim Robbins and The Rogues Gallery Band. Place maintenant à l’auteur-compositeur-interprète qui donne dans le folk et le country.
La consigne est claire, donc. Pourtant, celui qui l’enfreint le premier, c’est Robbins lui-même. On lui pardonne. "Lorsque tu regardes les films que j’ai réalisés, tu peux constater que la musique y joue un rôle très important. Pour Bob Roberts [en 1992], j’ai produit la trame sonore avec mon frère [le musicien David Robbins]. Dans Dead Man Walking [1995], la musique est fondamentale. Cradle Will Rock [1999], c’est presque un musical, il y a au moins huit chansons dans ce film. J’ai toujours fait de la musique, entre autres à cause de mon musicien de père [Gil Robbins du groupe folk The Highwaymen]! J’en ai vu des acteurs "hollywoodiens" sortir un disque très tôt dans leur carrière, et miser sur leur célébrité… Ça manque d’honnêteté, très peu pour moi."
Les chansons de Robbins sont donc restées dans le tiroir pendant un bon bout de temps. À peine quelques incartades scéniques, entre autres pour interpréter les chansons du film Bob Roberts avec son frère, ont meublé ses temps libres. Un petit séjour en studio pour enregistrer un simple démo, il y a trois ans, est alors devenu le point de départ d’un projet discographique. Tout cela grâce aux bons conseils du producteur musical et ami Hal Willner.
L’album compte neuf chansons. À l’écoute de celles-ci, on peut facilement penser à Steve Earle, Bruce Springsteen ou même Nick Cave. "J’adore Springsteen, Tom Waits et Hank Williams. Johnny Cash et Jackson Browne aussi. Mais, avant même de chanter ou de prendre ma guitare, j’écris des paroles. L’écriture, c’est fondamental. Il y a une musique là-dedans, il faut l’écouter! Les images, elles s’imposent. Ensuite, je crois que la voix et la musique ne font que se subordonner au scénario." On ne sort pas le cinéaste du chanteur.
On se demande aussi si ses récentes expériences en milieu carcéral (l’acteur chapeaute des formations théâtrales données aux détenus dans un pénitencier des États-Unis) n’ont pas inspiré le musicien. "Beaucoup! On tient tout pour acquis aujourd’hui: notre liberté et notre bonne fortune. Le simple fait que ces individus puissent créer quelque chose dans un environnement aussi dur, moi, je trouve ça exceptionnel. On pense souvent qu’il faut donner dans la vie, et ça nous réconforte… Si on savait ce que c’est de recevoir. De piler sur son orgueil, d’accepter et d’avancer… En travaillant avec eux, je reçois plus que je donne."
À écouter si vous aimez /
Steve Earle, Bruce Springsteen, Nick Cave