Buck 65 : Chemin d'accès
Musique

Buck 65 : Chemin d’accès

Buck 65 plante un jalon. Son plus récent essai, 20 Odd Years, marque deux décennies de rap en parfait décalage avec une industrie du bling bling qui célèbre la sexploitation sur fond de rimes et de rythmes bien gras. Vingt ans de résistance active, ça se fête.

Sur la frêle structure fabriquée maison de l’époque Vertex, dans le désespoir rural de Talkin’ Honky Blues, la béante déchirure de Secret House Against the World ou la nostalgie de Situation, Buck 65 coule son flow inégal, graveleux. Depuis 20 ans, on le suit, ce rappeur originaire de la campagne néo-écossaise, comme on dévale une route perdue au fond des bois: avec la conviction qu’au bout du chemin nous attend chaque fois un trésor.

Mais voilà que celui que ses parents connaissent mieux sous le vocable de Richard Terfry égalise les cahots, et pave sa route. Son dernier-né, marqué par les nombreuses collaborations (Gord Downie des Tragically Hip, Marie-Pierre Arthur, etc.), se démarque surtout par sa facture lisse, une production impeccable, et le sentiment d’apaisement qui se dégage de l’ensemble.

"Ça a beaucoup à voir avec ma vie, avec mon quotidien, détaille-t-il. Au moment de faire Secret House…, Situation, et même Talkin’ Honky Blues, je vivais des moments parfois difficiles, d’autres fois carrément pénibles. Aujourd’hui, je peux dire que je suis heureux. Je suis marié, c’est fabuleux. Et j’ai un job qui m’a enlevé des épaules la pression de gagner ma vie en tant que musicien, ce qui me forçait à voyager constamment."

Animateur du "Drive", le retour à la maison pancanadien de CBC Radio 2, Terfry alimente sa schizophrénie en ajoutant un personnage à son bouquet. À la radio, il s’appelle Rich. "Et je distingue complètement Rich Terfry de Buck 65, précise-t-il. Je ne parle jamais de moi comme étant aussi rappeur, je ne fais jamais allusion à ma carrière de musicien. Quand je pars en tournée, je ne le dis pas. Je suis absent, c’est tout. J’ai songé à capitaliser là-dessus. Imagine, un million de personnes m’écoutent chaque semaine. Mais non, j’ai choisi de ne pas faire de lien. Je vis des existences parallèles. Comme un espion."

Prudent interlocuteur au style classique, l’hôte radiophonique ne ressemble en rien à l’audacieux rappeur qui sert à un public confidentiel mais attentif une musique qui s’alimente autant au lyrisme de la détresse humaine qu’aux icônes de la contre-culture, déchirant les étiquettes pour créer un son typé, qu’on reconnaît instantanément. En même temps, comme pour faire concorder les choses, 20 Odd Years est peut-être aussi le plus accessible des albums de Buck 65 à ce jour. Le plus léché.

"Pour la radio, je débute lentement. Le type qui était là avant moi était tellement suivi, tellement apprécié des auditeurs qu’il pouvait faire jouer n’importe quoi. J’aimerais en arriver là. Tu trouves que ça va à l’envers de mon parcours comme musicien, que je deviens plus accessible? C’est peut-être vrai. Mais je ne suis pas convaincu que mon dernier disque soit vraiment beaucoup plus facile d’approche. Il est plus mélodieux, c’est sûr, et on confond parfois mélodieux et accessible. Mais c’est mon obsession du moment, la mélodie", expose-t-il. Puis il termine: "Au fond, la seule chose qui m’obsède vraiment, c’est de toucher les gens de la manière la plus efficace qui soit. Cette fois, c’est la façon que j’ai trouvée pour y parvenir."

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