Gomez : L’évolution tranquille
Sur sa septième offrande, Whatever’s on Your Mind, le combo britannique Gomez allie la confiance du vieux routier à l’audace de celui qui n’a plus rien à prouver.
En 1998, le jury du glorieux Mercury Prize – l’équivalent britannique de prix Polaris canadien – décernait, à la surprise de tous, sa récompense annuelle à Bring it On, liminaire parution d’un obscur quintette nommé Gomez, faisant du coup mordre la poussière aux modern classics Urban Hymns de The Verve et Mezzanine de Massive Attack.
Treize années se sont écoulées depuis et Gomez, contrairement à The Verve (qui a connu un hiatus et quelques guerres d’ego, puis un retour peu concluant) et à Massive Attack (qui peine à recréer la magie des débuts), poursuit son petit bonhomme de chemin. Dans le business, on se plaît à le qualifier de constant. Gomez propose de façon quasi-biennale, sans avoir la prétention de révolutionner le genre indie rock, un opus assez bien tourné dont chaque pièce vaut son pesant d’or. Mais n’allez surtout pas faire mention de constance à Tom Gray, guitariste et cochanteur du combo de Southport, en Angleterre. "La constance, c’est beige et ennuyeux. Je crois que les gens disent que nous sommes constants sans jamais avoir écouté notre musique", affirme-t-il, exaspéré, au bout du fil, alors que ses potes et lui viennent tout juste d’atterrir à Kansas City à la suite d’un vol de plusieurs heures. "Les gens pensent qu’on ne se met pas en danger et qu’on se contente des sentiers battus."
Après de brèves explications – on se doit d’expliquer que par "constance", on entendait qualité systématique de leurs parutions au fil des années, beaucoup plus que terne linéarité -, le ton change. La voix trahit un sourire. "Ah oui, tu as raison. En termes de qualité, on n’a pas vraiment fait de mauvais album, malgré les expérimentations. Pour ça, c’est vrai. Désolé", s’excuse le chanteur d’une charmante façon.
La glace étant brisée, on aborde rapidement le sujet de Whatever’s on Your Mind, qui vient tout juste de paraître. Se remémorant l’enregistrement, Gray affirme: "On n’a pas voulu trop planifier. On voulait que ce soit une question d’instinct, ce qui fait changement de nos derniers albums", évoquant au passage les précédents How We Operate (2006) et A New Tide (2009). "Lancé par n’importe qui d’autre, Whatever’s… serait perçu comme brutalement inhabituel, alors que nous, on a accoutumé notre public à toujours découvrir quelque chose de nouveau."
Dans ce cas-ci, cette détermination qui a marqué la genèse de la formation se traduit en un appétit vorace pour des arrangements hardis, luxuriants. S’étant adjoint les services de Sam Ferrar (ex-Phantom Planet) à la coréalisation, les membres du combo possèdent assez de confiance en leurs moyens pour laisser libre cours à leurs impulsions: cuivres spasmodiques sur variations post-rock (Options, le premier simple), lignes de synthés sorties d’outre-tombe (Equalize), flûte couchée sur une basse menaçante (That Wolf)… "Sans tomber dans le pastiche, on a ratissé large dans nos influences. Whatever’s… est en général très léger, très enjoué dans les thèmes privilégiés. On tenait à ce que ça se reflète aussi dans la musique."
Lorsqu’on le questionne sur ce que l’obtention de prix prestigieux comme le Mercury signifie une décennie et bon nombre de lunes plus tard, Gray se révèle d’une grande cohérence par rapport aux propos qu’il a tenus tout au long de l’entretien. "Les prix, c’est de la bullshit. Ça ne vaut pas un rond. Oui, ça nous a été utile. On était des nobodys, et du jour au lendemain, nous voilà dans le top 10. Le Mercury nous a permis d’atteindre le million en chiffres de ventes. Mais c’est tout. Les prix sont futiles, dénués de sens. Pourquoi donner un prix à quelqu’un? On n’est pas des enfants! Oh, Jesus! La constante validation de son travail par les autres, c’est de la merde. Si tu n’as pas entièrement confiance en ce que tu fais, c’est que tu ne devrais probablement pas te tuer à la tâche et que tu devrais passer à autre chose. Voilà."
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