Keren Ann : L'art au pluriel
Musique

Keren Ann : L’art au pluriel

Keren Ann partage son temps entre la scène et l’écriture. En plus de nous présenter son nouvel album, elle s’apprête à vivre la création de son nouvel opéra. L’artiste est au sommet de son art.

Keren Ann est encore au centre du tourbillon d’activités qui accompagne la sortie de son dernier album, 101. Pourtant, malgré toutes les dates de spectacles qui s’additionnent à l’agenda, elle reste fort occupée à peaufiner la création d’un nouveau projet qui sera créé au mois de novembre, en France. En compagnie de Bardi Johannsson, avec qui elle a réalisé deux disques sous le nom de groupe Lady & Bird, la polyvalente artiste touche maintenant au monde de l’opéra avec la création de Red Waters. "Du rouge, encore!" affirme-t-elle en riant, faisant référence à la pochette de son dernier disque. "On a terminé la composition et l’écriture, maintenant on commence à travailler avec les rôles principaux et les danseurs. Bardi et moi, on n’y chante pas, on ne fait que travailler avec le metteur en scène."

L’opéra est une mécanique imposante, mais l’artiste ne semble pas trop craindre le caractère traditionnel et classique de cette forme d’expression théâtrale et musicale. "Il y a beaucoup de règles à respecter sur le plan de l’écriture et de la composition. Mais, avec Bardi, on voulait faire un opéra moderne. En fait, moderne, mais pas nécessairement contemporain. L’action se situe dans une époque intemporelle. En plus de la danse, il y a des chants gothiques. Et les chorégraphies sont des moments très forts dans cet opéra. C’est tout un défi! Mais je crois que Bardi et moi avons trouvé le terrain d’entente idéal pour fusionner nos univers de création respectifs."

On sait l’oeuvre de Keren Ann intimement liée à sa vie personnelle. Sans être impudique, tout en faisant abstraction du culte de la personnalité, l’auteure s’amuse à transcrire dans un monde parallèle des états d’âme et des réflexions qui semblent le fruit d’un exercice assidu d’introspection. Le tout se conjugue à sa musique, qu’elle veut pointilliste et évocatrice. "J’espère que les gens qui achètent mon album prennent le temps de s’y plonger avec une attention particulière. Chaque fois que je réalise un disque, je lègue un chapitre de ma vie, un tout."

Une rare intensité romantique habite ce personnage qui nous intrigue, et sa façon de porter un regard lucide sur son travail lors de l’entrevue contraste avec ses créations parfois torturées. Une image qu’elle prend plaisir à démolir en bloc, tout en avouant que l’écriture est aussi un jeu où la réalité se réinvente. "Avec la chanson All the Beautiful Girls, par exemple, on pourrait dire que j’ai été cette femme-muse dont il est question. Mais je suis aussi l’homme à qui la chanson parle. Cette femme, elle, essaie de comprendre l’univers de son compagnon. Elle a de l’empathie et ne le juge pas. Elle essaie seulement de se mettre un peu dans l’ombre afin de laisser la place à l’autre qui, lui, est dans la lumière. C’est une histoire personnelle, mais j’ai voulu la transposer dans les années 70 pour lui donner du relief et avoir un peu de recul. Je n’ai jamais fait partie de ces artistes torturés… On doit relativiser: je fais tout de même le plus beau boulot du monde. Ça compte, ça!"

À écouter si vous aimez /
Cat Power, Françoise Hardy, Nick Drake