Thomas Fersen : Tête à plume
Musique

Thomas Fersen : Tête à plume

Thomas Fersen clôture le Festival d’été de Québec avec un spectacle fait sur mesure. L’occasion rêvée de revisiter l’ensemble de son répertoire qui a marqué deux décennies de chanson française.

Ces derniers temps, Thomas Fersen renoue avec les scènes extérieures lorsqu’il est de passage au Québec. Après sa fameuse tournée en salle consacrée au ukulélé, avec l’album Gratte-moi la puce (Best of de poche), l’artiste s’est retrouvé l’an dernier aux FrancoFolies de Montréal pour souligner sa première collaboration avec Fred Fortin sur le disque Trois petits tours. Le voici maintenant de retour au Festival d’été de Québec, cette fois avec son dernier album en poche, Je suis au paradis. "Lorsqu’on se retrouve sur une scène extérieure, on doit s’ajuster, constate-t-il. On ne peut pas tout faire. On dose le répertoire et on y va avec la réaction des gens et ce qu’ils veulent entendre. Il y aura bien quelques chansons du dernier album, mais je crois qu’on va remonter dans le temps aussi!"

Avec huit albums originaux et quelques enregistrements en concert, Fersen a de quoi satisfaire ses fidèles. Gageons que les succès des disques Les ronds de carotte, Le jour du poisson et Pièce montée des grands jours seront au rendez-vous. Pouvons-nous maintenant dire que l’artiste est devenu un vétéran de la chanson française? "Tu me fais penser que ça fait presque 25 ans, 23 pour être précis, que je fais ce métier. J’avais sorti un premier 45 tours en 1988… Je suis maintenant plus vieux, c’est vrai, et certains considèrent que je suis devenu un artiste "installé" dans cette industrie. Moi, je ne partage pas ce sentiment. À l’intérieur de moi, j’ai plutôt le sentiment d’une grande précarité. Je dépends toujours de ce que je vais écrire et présenter. J’ai toujours beaucoup de difficulté à savoir où j’en suis dans cette carrière. Je n’ai surtout jamais eu l’impression d’être arrivé quelque part. Et c’est loin d’être terminé pour moi. L’aventure continue!"

Service littéraire

Il est vrai que l’auteur-compositeur-interprète nous a habitués à quelques métamorphoses artistiques depuis son premier album, Le bal des oiseaux, en 1993. Ne serait-ce que par les thématiques ou les concepts qu’il a élaborés au courant de la dernière décennie en traitant, par exemple, de l’art culinaire (Pièce montée des grands jours), de la folie (Le pavillon des fous) et maintenant des contes qui ont marqué sa jeunesse (Je suis au paradis).

"Et pourtant, je n’ai jamais eu de maîtrise à ce point sur mon travail. Les thèmes ou les concepts, je n’y pense pas vraiment. Quand je commence à faire des chansons, et que j’écris les premiers textes d’un album, je me rends bien compte qu’il y a un sujet qui semble m’interpeller. Ça me donne alors envie d’écrire et le thème se précise en cours de route. À la fin, justement, mon travail consiste à préciser ces thèmes."

"Quand j’ai commencé à écrire la chanson Dracula pour le dernier disque, je ne savais pas vers où je me dirigeais, renchérit-il. C’était nouveau pour moi, et c’est agréable de pouvoir travailler sur quelque chose qu’on découvre pour la première fois. Avec ces sujets (Dracula, Barbe-bleue, les loups-garous), je me retrouvais aussi devant une nouvelle façon de raconter une histoire. J’ai encore mon style d’écriture, bien sûr, mais ce n’est pas pareil. C’est comme s’il y avait un tronc central, mais que de nouvelles branches avaient poussé. Ce qui est très important dans la chanson, c’est la forme. Vous pouvez vouloir dénoncer l’injustice, si vous ne maîtrisez pas la forme, personne ne vous écoute. Quand je trouve la forme, je me jette à fond dans l’écriture. Après, on a tendance à vouloir reconnaître un plan de travail, un concept. Ça, c’est accidentel et ça se précise plus tard."

Les autres

Les personnages atypiques et marginaux, voire étranges ou louches, semblent aussi meubler l’imaginaire de l’artiste. Autant dire que Fersen s’est fait le champion de la marginalité dans sa démarche artistique. "Ce sont ces personnages qui sont intéressants. Les "gagnants" et les êtres "parfaits" sont plutôt emmerdants; même qu’ils sont perdants de ce côté-là! Moi, les marginaux, je les trouve beaucoup plus touchants. Dans leurs histoires, dans leurs défaites aussi, il y a quelque chose d’universel; je crois que ça rejoint beaucoup plus de monde. La nature humaine est un peu bancale, mais c’est pour ça aussi qu’elle se métamorphose, qu’elle se cherche et qu’elle est pleine de doutes. Je trouve ça merveilleux. Les gens différents des autres me donnent de l’espoir dans la vie. Lorsqu’on est témoin de leurs faits et gestes, on se rend compte qu’il y a beaucoup de possibles. C’est une façon d’être humaniste."

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