Marc-André Hamelin : Le Lancelot du piano
Musique

Marc-André Hamelin : Le Lancelot du piano

Le pianiste Marc-André Hamelin rajeunit avec l’âge et défie les standards esthétiques en vogue chez ses compères. Sa curiosité est insatiable et rien ne semble l’effrayer.

Le pianiste Marc-André Hamelin aura 50 ans en septembre prochain. L’interprète ne tente pas de nous dresser un bilan exhaustif de ce qu’il a accompli jusqu’à maintenant dans sa carrière. Au contraire, il regarde en avant. "Il y a de belles choses qui vont se produire pour moi avec cet anniversaire. Entre autres, je ferai ma rentrée avec le Philharmonique de Berlin au mois d’octobre, une première pour moi! On m’a demandé la Symphonie concertante (la Symphonie n° 4 pour piano et orchestre) de Szymanowski."

Une oeuvre de circonstance pour ce virtuose qui n’a pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit de plonger dans le répertoire postromantique et contemporain. Ses choix d’oeuvres sortent du lot, il va sans dire. Lorsqu’il constate que l’orchestre le plus prestigieux au monde lui offre sur un plateau d’argent cette pièce du compositeur ukrainien, il jubile. "Les trois concerts à Berlin seront dirigés par le chef d’orchestre Pablo Heras-Casado et non par Simon Rattle [le chef attitré à Berlin]", précise-t-il alors qu’on l’interroge sur la distribution. "Mais j’ai déjà croisé sur scène Simon Rattle, à Boston, lors d’un concert-bénéfice. Nous avons joué un concerto de Mozart, c’était magnifique! Rattle est merveilleux, il faut le voir diriger pour comprendre. Il ne bat pas la mesure, il moule et sculpte les phrases. Il est exceptionnel."

Pas de doute, la carrière du pianiste québécois va bon train et il demeure l’un des rares pianistes à jouir d’un contrat exclusif avec une maison de disques: l’étiquette anglaise Hyperion. Non seulement part-il à la conquête de Berlin, mais il a été plébiscité par la critique new-yorkaise en mai dernier, lors d’un récital au Zankel Hall du Carnegie Hall. "New York, c’est tout récent pour moi. Plusieurs jeunes pianistes ont eu beaucoup plus de possibilités que moi ces dernières années. Malheureusement, j’ai perdu du temps. J’avais fait un mauvais choix de manager à New York. J’ai été associé avec cette boîte pendant 13 ans, et ma carrière a piétiné aux États-Unis à cause de ça. Tout va très bien ailleurs et j’ai un bon représentant à Londres. Il faut dire que le répertoire que je propose est parfois inhabituel. Les promoteurs font constamment ce genre de commentaire: "Pourquoi ne fait-il pas Beethoven, Mozart ou Chopin?""

Pas de Mozart ni de Chopin ou de Beethoven au menu lors de sa prochaine visite au Domaine Forget. L’interprète a plutôt choisi Haydn et Stockhausen, qu’il a couplés à deux oeuvres majeures du répertoire pianistique: Gaspard de la nuit de Ravel et la Sonate en si mineur de Liszt. "La sonate de Liszt, je l’ai déjà enregistrée. Quant à la suite Gaspard, ça doit faire plus de 15 ans que je ne l’ai pas jouée au complet [depuis l’entrevue, il l’a interprétée lors de son dernier récital au Palais Montcalm]. Pour moi, c’est la plus grande oeuvre pour piano du 20e siècle, avec la deuxième sonate de Pierre Boulez. Celle-là, c’est épouvantablement difficile, mais je l’interpréterai un jour. Je suis curieux de nature, c’est la base de tout pour moi."

À écouter si vous aimez /
Les disques Études (de Marc-André Hamelin), Leo Ornstein: Suicide in an Airplane et Haydn: Piano Sonatas I et II