Big Freedia : Shake ton cul
Bien avant l’apparition du terme "bounce" au Québec, le mot désignait un courant musical fort populaire à La Nouvelle-Orléans. Analyse du phénomène avec la drag-queen et rappeuse Big Freedia.
Si le Montréalais Ghislain Poirier utilise le mot "bounce" essentiellement pour se détacher du terme "groove" qu’il trouve inapproprié pour décrire les puissantes lignes de basse de son Roland TR-808, le terme désigne beaucoup plus pour la rappeuse louisianaise Big Freedia.
"La musique bounce, c’est une culture depuis plus de 20 ans ici à La Nouvelle-Orléans. Avant même d’être un genre musical, c’est une manière de vivre, d’avoir du plaisir, de s’éclater et de s’affirmer, peu importe la manière", explique-t-elle. Big Freedia vise dans le mille. À voir les vidéos de ses concerts mis en ligne sur son site Web, on comprend que le bonheur de ses fans passe par des assauts de basses bien grasses, par des textes dénués de toute cachotterie identitaire et par ce mouvement inhérent au courant bounce: le shakage de cul. Et on parle ici d’un déhanchement titanesque, aux frontières de l’explicite. Rien à voir avec la puérile danse des canards.
Né Freddie Ross, le MC s’est transformé vers la fin des années 90 en Big Freedia, l’une des rares drag-queens de la scène hip-hop américaine, "mais mon amour pour le bounce remonte à bien avant que je me transforme en drag. Je devais avoir 13 ans. J’adorais cette musique. J’adorais voir les gens se shaker les fesses comme ça. Je me souviens d’avoir vu des performances bounce à l’école et je suis immédiatement tombée en amour avec cette basse intense".
À cette époque, avec leur beats club acérés et rapides, les artistes de l’étiquette Take Fo’ Records (DJ Jubilee en tête de liste) et le producteur Mannie Fresh jetaient les bases du mouvement qui a influencé de nombreux artistes de la scène hip-hop moderne, un univers souvent allergique aux gays. "Je suis certaine que plusieurs rappeurs se cachent encore dans le placard pour jouer la game. Ils cherchent à se protéger, refusant d’avouer qu’ils jouent dans la même équipe que moi. Cela dit, chacun a le droit de révéler ou non son homosexualité, mais moi j’ai choisi d’être libre et de m’exprimer comme je l’entends à travers la musique bounce", raconte celle qui a signé le succès Azz Everywhere et She Likes to Party, un duo avec les Montréalaises de Lezzies on X.
Prisés par la communauté gay et les hipsters qui aiment leur côté subversif et décadent, les concerts de Big Freedia relèvent du délire. Mais au-delà de la hype, est-ce que la musique de Freedia peut rejoindre un public plus large, séduire par exemple les fans de Jay-Z ou d’Eminem? "Chose certaine, ces gens entendent parler de nous", répond-elle avant de révéler son arme de séduction secrète: les filles. "Partout dans le monde, les filles ont toujours aidé les gays à s’affirmer. C’est connu, les filles aiment les gays. Alors le but est d’attirer le plus de filles possible à nos partys, suivront les hétéros."
À voir si vous aimez /
Lezzies on X, DJ Jubilee, Take Fo’ Records