Iceage : La bouche gelée
Au coeur d’un engouement international lié à la parution de son premier album New Brigade, la formation punk danoise Iceage laisse parler la musique.
Vous êtes dans la peau de quatre jeunes rockeurs danois. Et lorsque l’on dit "jeunes", on parle bien de garçons âgés de 18 et 19 ans. Ainsi, que feriez-vous si, contre toute attente, votre premier album était encensé par la presse spécialisée au point de vous attirer une horde de nouveaux fans à satisfaire lors de tournées aux quatre coins de la planète? Poussons le jeu un peu plus loin: que répondriez-vous maintenant, dans une langue qui n’est pas la vôtre, à tous ces journalistes étrangers qui font sonner votre portable alors que vous voguez sur les mythiques routes nord-américaines à bord d’une minuscule camionnette?
Bienvenue au pays d’Iceage, nouvelle figure emblématique de l’obscure et souvent négligée scène musicale de Copenhague. Au bout du fil, le chanteur et guitariste Elias Bender Rønnenfelt offre une courte visite guidée de sa ville natale: "C’est une place agréable. Tous nos amis jouent dans des groupes. On aime ça."
Qualifier les membres d’Iceage de peu bavards est devenu un euphémisme. Si bien que même l’attachée de presse prévient les journalistes avant leur entretien avec le quatuor. Peu importent le média ou le texte, les citations seront courtes, monosyllabiques. Iceage préfère laisser sa musique faire le bla-bla-bla, ce qui, remarquez, n’est pas une mauvaise idée en soi. À propos de sa vision de l’Amérique du Nord que le groupe visite pour une deuxième fois cette année, Rønnenfelt se contentera d’un: "C’est vraiment grand."
Paru en janvier dernier, l’album New Brigade est responsable de cet engouement spontané. L’instant de 26 minutes, Iceage enrobe les assauts punk d’hier d’un brouillard sonique hurlant. Tel que vu et entendu à travers les yeux et les oreilles d’aujourd’hui, la fièvre du mouvement punk rencontre l’intensité du hardcore et l’aridité minimaliste du post-punk.
Interrogé sur le fait que la musique punk semble increvable avec tous ces revivals de revivals qui émergent depuis des décennies, Elias n’a qu’un mot: "Heureusement." Peu importe la vacuité de son discours, le musicien vous prend par les tripes sur New Brigade et ne vous lâche pas avant la dernière note. Et la fureur se transporte également sur les planches où le quatuor a développé une sérieuse réputation de bête scénique (sang, coups sur la gueule et plus), canalisant son énergie pour reproduire toute la pureté de sa musique. Cette musique qui le représente et parle à sa place.
"Les spectateurs semblent aimer ce genre de concerts", mentionnera Rønnenfelt avant de raccrocher.
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