Les Nitrates de madame Mimieux : Sutton-sur-Mer
Après un détour par Old Orchard, direction Sutton pour découvrir l’univers musical le plus rafraîchissant et dégourdi des Cantons-de-l’Est, celui des Nitrates de madame Mimieux.
Les Nitrates de madame Mimieux aurait très bien pu être le titre d’un court métrage gore de série B, mais il s’agit plutôt de l’"appellation d’origine contrôlée" d’un trio suttonnais formé en 2010. Musicalement, Étienne Hamel, Antoine La Mothe et Charlotte Paquin-Béchard (tous dans la jeune vingtaine) proposent un anti-folk rock lo-fi et déglingué. Sorti cet été, leur disque Rien n’est moins grave est frais comme une bouffée d’air campagnard, curieux comme le son d’un coquillage.
Au fait, qui est madame Mimieux? "Tout le monde nous le demande, mais on ne sait pas quoi répondre, réplique Charlotte. C’est un secret! Dans le fond, c’est quelqu’un qu’on estime beaucoup, et ses nitrates, c’est ce qui fait d’elle ce qu’elle est." Aucun lien avec le personnage nommé de la sorte dans Inglourious Basterds de Quentin Tarantino ? "Ben oui! T’es ben bon. On ne l’avait encore jamais dit et on attendait que quelqu’un le trouve! On est des très grands fans de Tarantino. C’est un peu un hommage, en fait!"
ANTIMOROSITÉ
Ce n’est toutefois pas le réalisateur de Pulp Fiction, mais la vie rurale qui est la principale source d’inspiration des Nitrates. "On a fui Montréal. Plus précisément, c’est la banlieue qu’on a désertée et on a trouvé Sutton. Ce fut un move épique. On s’est dit que tant qu’à ne pas être en ville, soyons vraiment pas en ville." Et n’allez surtout pas croire que la mélancolie qui traverse Rien n’est moins grave témoigne d’un quelconque ennui de la vie urbaine. "On s’ennuyait plus à Montréal. Tsé, la vie peut être vraiment plate. Y a pas toujours de quoi qui est là pour t’"entertainer". Ce n’est pas le party ou La Ronde tous les jours. On s’en est rendu compte et c’est pourquoi on fait de la musique. C’est un combat contre l’ennui."
Une des stratégies de la lutte antimorosité: changer souvent d’instruments. "Étienne joue pas mal plus de la guitare, moi du Casio, pis Antoine du drum, mais on échange souvent pour voir ce que ça fait. On expérimente. Ce que j’aime dire, c’est qu’on joue de tout, mais qu’on ne maîtrise rien. (Rires.)" Pas mal pour trois néo-Suttonnais qui sortent de nulle part. "On a toujours eu trop peur pour faire de la musique avec du monde. On est pas mal angoissés et solitaires… Étienne et Antoine ont déjà fait des CD ensemble, mais c’était du rock progressif presque pas écoutable."
JE VOUDRAIS VOIR LA MER
Mis à part Sutton et ses montagnes, un autre élément récurrent dans l’univers des Nitrates, c’est la mer, celle des vacances en famille à Old Orchard. "Ce qui nous touche, c’est l’imagerie, ce qui marque nos yeux, nos sens. La mer et les montagnes, c’est inspirant pour tout le monde, mais ça l’est encore plus pour les grands sensibles que nous sommes. Old Orchard, c’est vraiment une chanson sur Old Orchard. Étienne a capoté sur le parc d’attractions sur le bord de la plage… mais finalement la toune ne parle même pas de ça."
Pour l’instant, ce sont les deux tiers masculins du groupe qui se chargent de la composition. "Moi, je suis encore trop gênée, mais ça va venir." Le tiers féminin se charge donc de l’attitude? "Ouais, c’est exactement ça. Je suis la face de chick qu’on met à l’avant. Deux gars, ça ne pogne pas. Dans le fond, je suis là pour l’image. (Rires.)"
EXERCICE INCONSCIENT
Rien n’est moins grave fut bricolé de manière indépendante par le trio, mais le vétéran Johnny Love, leader du Volume était au maximum (et résidant de Sutton), fut une source de bons conseils. "C’était notre mentor. On a eu beaucoup de questions techniques pour lui. Encore aujourd’hui, quand on le croise au village, on lui demande: "Aurais-tu ça telle carte de son?", pis il nous prête la sienne. Et il a mixé une chanson, Ne t’en fais pas, leur tête roulera."
Depuis la sortie de l’album, la critique a comparé le groupe à Avec pas d’casque, ainsi qu’à Geneviève et Matthieu. Les Nitrates en sont ravis, mais ils n’avaient pas de direction musicale toute calculée. "Ce n’est pas un choix conscient. Le disque s’est fait plutôt vite, dans la spontanéité. Je suppose qu’on va apprendre à se calmer avec les années." Par contre, le trio promet de mettre toute la gomme lors des concerts. "À trois, c’est dur de recréer l’ambiance de l’album. On fait donc ça plus rock. Des fois, c’est l’fun de ne pas trop se soucier de la mélancolie des chansons… et de juste danser."
Et Charlotte, pour une fille gênée, tu donnes de belles répliques à mes questions de journaliste. "Ah ouais? Si tu me voyais… j’ai le shake!"
Les Nitrates de madame Mimieux
Rien n’est moins grave
(Indépendant)
En vente au www.lesnitratesdemadamemimieux.bandcamp.com
À écouter si vous aimez /
Avec pas d’casque, Geneviève et Matthieu, The Moldy Peaches