Vic Vogel Big Band : Raconte-moi une histoire
Pour célébrer le 30e anniversaire de son vieil ami Bernard Caza à la barre du Vieux Clocher de Magog, Vic Vogel enrubanne son Big Band et le lui offre. Voir a évoqué avec le jazzman de 76 ans – source intarissable d’anecdotes truculentes – cinq morceaux qui ont jalonné son parcours.
I Don’t Stand a Ghost of a Chance With You
"À 16 ans, j’ai pris l’autobus pour New York. Je voulais rencontrer une de mes plus grandes influences, Lennie Tristano. J’ai trouvé son numéro de téléphone dans le bottin, l’ai appelé et j’ai dit: "Je suis Vic Vogel, le pianiste de Montréal. Je veux te voir tout de suite." Ça m’a pris une affaire de trois heures et demie de subway et d’autobus pour me rendre chez lui, dans Hollis, Long Island. Il avait deux pianos et des enregistreuses. Je lui ai joué Ghost of a Chance.
Tout de suite après, il a sorti d’un tiroir un peu de poudre blanche, a roulé un billet et m’a dit: "Sniffe ça avec ta narine gauche, c’est de l’héroïne pure, mais va aux toilettes, parce que tu vas renvoyer." Et comme de fait, j’ai renvoyé. Je suis retourné au piano. Quand je frôlais les meubles, ça faisait "bleup, bleup". Il m’a dit: "Rejoue Ghost of a Chance." Je l’ai fait et après, je suis tombé endormi pendant une heure ou deux. Quand je me suis réveillé, Lennie m’a fait écouter les deux versions. "C’est laquelle la meilleure?" qu’il m’a demandé. C’était celle que j’avais jouée quand je n’étais pas high. "Nos meilleurs musiciens meurent à cause de cette cochonnerie en ce moment. Ne retouche plus jamais à ça", qu’il m’a ordonné. Je n’ai rien repris depuis."
Câline de blues
"Ce qu’on ne dit pas assez, c’est qu’En fusion, la rencontre entre le Big Band et Offenbach, ce n’était pas une idée de Gerry, mais de John McGale [un des guitaristes du groupe]. C’était le gars le plus intelligent de toute la gang."
Ballad for Duke
"Durant un festival de jazz, en arrière-scène, j’ai rencontré Tony Bennett. Il m’a dit: "Victor, quand je vais à la pêche, dans mon camion, j’écoute tes disques d’Olympiques [Vogel a arrangé la musique des Jeux de 1976 à Montréal]. Quelque part là-dedans, il y a une toune pour moi." J’ai répondu: "OK, je vais fouiller." J’ai trouvé Ballad for Duke. J’ai fait écrire des paroles par un gars. Tony m’avait donné sa carte d’affaires en or avec son numéro personnel. Je l’ai refilée au gérant new-yorkais que j’avais à l’époque. Le gérant est mort. Ballad for Duke est donc demeurée une pièce instrumentale que j’ai enregistrée avec le Big Band."
Bozo
"C’est une belle version, avec quatre violoncelles, de la toune de Félix. À l’époque où je faisais de la radio, j’accompagnais tous ces gars-là, Ferland, Lévesque et compagnie. Leurs chansons me sont restées dans l’oreille. Derrière les textes, il y avait de belles mélodies. Je m’étais toujours promis de les réarranger, ce que j’ai fait sur l’album Je me souviens… mon piano."
Nightingale
"Oscar Peterson [à qui Vogel a consacré un album hommage en 2006 avec l’European Jazz Orchestra] était surtout connu pour son jeu, mais c’était aussi un grand compositeur. Nightingale me convenait, je pouvais l’adapter pour un big band. On va la jouer au Vieux Clocher."