Malajube : Les blues du businessman
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Malajube : Les blues du businessman

Pour Julien Mineau, grand "PDG" de Malajube, son entreprise se révèle source d’un stress souvent insoutenable. Comme n’importe quelle PME. Un quatrième album en main, le temps est venu pour le dirigeant de rectifier son plan d’affaires.

Si Malajube était une entreprise cotée en bourse, les derniers mois l’auraient vue reprendre du poil de la bête sur les marchés boursiers, ses investisseurs regagnant confiance en ses titres. En récession artistique depuis presque deux ans à la suite de la parution de Labyrinthes en 2009, un album aux antipodes du populaire Trompe-l’oeil écoulé à 50 000 exemplaires, la "franchise" Malajube a certes connu ses temps de jours gris.

Avec La caverne, quatrième disque lancé en avril, la troupe effectue un virage à 90 degrés, saturant à nouveau ses pièces de rythmes trépidants, d’optimisme amoureux et d’accroches irrésistibles. Sa signature musicale – voix lointaine dans le mix et guitares transitoires – subsiste toutefois toujours. "La caverne est mon album préféré. Y’a des chansons là-dessus qui sont dures à surpasser. Le but était de passer d’un album vraiment sombre à un univers plus léger et joyeux", dixit Julien Mineau, chanteur, guitariste et, en quelque sorte, grand PDG de l’entreprise musicale Malajube. "Cela étant dit, ça veut pas dire que le prochain album ne sera pas deux fois plus hard et heavy qu’on l’a jamais été. Le but est de se retrouver là où personne ne s’attend à nous voir", soutient-il, en ajoutant avoir pris plaisir à écrire davantage sur l’amour.

"Je pense que ce thème n’englobe pas seulement l’amour entre hommes et femmes, mais aussi celui dans chaque parcelle de la vie. Si tu perds foi en la vie, ça dégringole assez rapidement." Une longue pause suit. Puis Mineau reprend, catégorique: "Labyrinthes était un peu trop lourd pour rien. Le pire, c’est que lorsqu’on a composé cet album, c’est probablement là que j’étais le mieux mentalement."

La musique en contrepoids à la vie

À la suite de la parution de La caverne, Julien Mineau a "frappé un mur", comme il le décrit avec sérieux. Le genre de point de non-retour qui exige de celui qui le subit toute son attention. "Tout de suite après la sortie, je me suis écroulé. Le stress a frappé pour la première fois. Crise d’anxiété. Une chose que j’avais jamais vécue auparavant."

Il en connaît la raison: "Pour moi, c’est Malajube-Malajube-Malajube, 24 heures sur 24, depuis 2002. Quelles sont les prochaines étapes, quelle direction on va prendre. C’est un peu pas mal sur mes épaules, cette partie du travail. Il a fallu que je prenne une pause de tout ça. Ça devenait lourd", confie Mineau de but en blanc. "Mon corps m’a demandé de prendre un break. Les cochonneries sortaient, les petites maladies, et le stress est devenu encore plus grand…"

Ainsi, le chanteur a dû se rendre à l’évidence: la vie avait nettement plus de valeur que le temps qu’il lui avait accordée au fil des dernières années. Il fallait désormais qu’il mette les freins sur son quotidien de workaholic. "J’ai 30 ans. C’est plus pareil. On est pareil dans la tête, mais le corps ne fonctionne plus de la même façon que lorsqu’on avait 21 ans."

"Depuis que j’ai terminé l’écriture de La caverne, j’ai pas trop touché au crayon. D’habitude, c’est à ce moment-là, après la sortie d’un album, que j’écris le plus, parce que je suis pas content de ce qui vient de paraître, parce que je veux faire mieux. En ce moment, j’m’en fous un peu. Je me donne un break. Je laisse aller."

Enfin laisser aller

Le mois dernier, la chaîne télé MusiquePlus avait choisi Malajube comme "Artiste du mois", conférant au quatuor une programmation spéciale qui culminait sur une perfo, diffusée en prime time de surcroît! Sur scène, Mineau, tout de noir et de paillettes vêtu, semblait visiblement prendre son pied. Tout un changement pour Malajube qui, dans le passé, était reconnu pour accueillir avec répugnance de telles manifestations populaires. "Moi, j’étais jamais entré dans cette bâtisse-là [MusiquePlus]. Ils nous avaient souvent demandé de jouer, mais c’était toujours de façon amateur, tout croche. On avait toujours refusé. Cette fois-ci, c’était professionnel… Ces images-là vont vivre probablement plus longtemps que nous. Donc, oui, ça a été un plaisir de prendre part à ça."

Ce tournant engagé par la direction a toutes les chances d’être perçu négativement par les fans de la première heure, Mineau en est bien conscient. Quant à savoir s’il en persiste, de ces irréductibles, le chanteur en doute fort. "On n’est pas des vendus. C’est juste que notre mentalité par rapport à tout ça a changé. Y’en a qui s’en font beaucoup trop avec les apparences. Moi, je ne m’en fais plus avec ça. Je veux plaire à n’importe qui. À la limite, au plus grand nombre de personnes, pas nécessairement juste à un seul créneau", conclut-il, un sourire dans la voix.