Pete Möss – Événement Sherbrooklyn : La fin de Pete Möss
Avant de rapporter pour de bon ses vides au dépanneur, Pete Möss organise un ultime open house. Rencontre nocturne avec son chanteur et principal animal de party, Tim Brink.
VENDREDI, 23H31
Un taxi largue le journaliste au pied de la terrasse du resto-café-dessert-ambiance où Tim Brink vient de terminer son quart de travail. Un assourdissant remix d’un tube de Rihanna entrave pour l’instant toute conversation sérieuse. Parce que conversation sérieuse il devra y avoir: après neuf ans de rock phallique, trois albums remplis d’hymnes potaches à la défonce ainsi que des milliers de litres de bière crachés en geyser sur les scènes de Berlin, Détroit et Maniwaki, Pete Möss résilie le contrat qui le lie aux divinités Bacchus et Marshall.
L’hôte suggère que l’on descende au lounge, déserté à cette heure-ci.
23h45
"Cheers man!" Le journaliste et le chanteur trinquent.
"Ça fait changement des entrevues au-dessus d’un latté!" se réjouit le scribe.
"Je préfère faire ça à cette heure-ci, ajoute son vis-à-vis. À la radio, ils nous demandent toujours d’être là à sept heures le matin. On n’est pas des bibliothécaires!"
"Parlant de sommeil, ou de manque de sommeil – attaquons le gras du sujet -, est-ce que la marmaille de tes associés (Johnny Maximum, guitare solo; North Coaticook Sly, guitare rythmique; Jeff Doobie, basse; Martin "Garth" Beauregard, batterie) devra éternellement porter la responsabilité de cette séparation?"
"C’est sûr que ça a changé les affaires", concède l’unique membre de Pete Möss à qui l’on ne connaît pas de descendance. "Mais les gars étaient capables d’être raisonnables, nuance-t-il. J’ai toujours été le seul que l’on devait retracer le lendemain d’un show."
Il prend une bonne lampée de vino, puis lâche le morceau. "C’est moi qui ai dit: "Ok, j’ai le goût de passer à autre chose." On a vraiment essayé, on a bûché, mais il faut savoir le reconnaître quand la rivière ne tourne pas pour toi. Le succès moyen de Sober on Strike (2008), notre deuxième disque dont je suis super fier, a été dur."
"La décision en a déçu certains dans le band. C’est vrai qu’on a une belle chimie. J’adore encore tous les gars, hein. Ce n’est pas comme si quelqu’un avait couché avec la blonde de l’autre."
00H13
Fondé à la blague en 2003, Pete Möss emboîte le pas au grand retour du rock, le vrai, le couillu. 2003, c’est l’année du glam de The Darkness et de la résurrection de Slash au sein de Velvet Revolver. 2003, c’est aussi l’année de la Seven Nation Army de Jack White. Les guitares rugissantes colonisent à nouveau les palmarès et tout permet de croire qu’elles s’y installent à demeure.
Hé ben non. "Le rock est mort?" s’interrogeait même en janvier dernier Le Devoir, rapportant que seulement trois chansons rock s’étaient taillé une place parmi les 100 plus populaires au Royaume-Uni en 2010.
Brink partage sa petite analyse anthropologique: "Depuis qu’on a interdit de fumer dans les lieux publics et les bars, les bands rock ont vraiment écopé. Les gens de party qui veillent tard, tard, tard ont cessé de sortir. Ils préfèrent fumer et boire à la maison. C’est pas pour rien qu’il n’y a plus de bar rock." Inutile de verser de la vodka dans la plaie et de rappeler que l’alma mater de Pete Möss, le Café du Palais, est désormais une salle de danse latine.
"Ce que je vois dans les bars aujourd’hui, c’est des gens qui se textent et qui vont se coucher à 2h [comprendre: trop tôt]", peste-t-il avec une pointe d’amertume.
Pete Möss aura sans doute souffert de cette érosion du territoire occupé par le (gros) rock dans la culture pop. Ajoutez à cet état de fait l’anglais dans lequel Brink hurlait (ce n’est jamais gagné au Québec), une compagnie de disques gourmande bien que paresseuse et une personnalité difficilement cernable (trop hard et bouffon pour le public d’un Éric Lapointe, trop testostéroné et formaté pour l’underground), et vous avez entre les mains le synopsis d’une Musicographie au dénouement prévisible.
"On a tous cru que l’on pourrait gagner notre vie avec Pete Möss, avoue candidement Brink. L’erreur, ça a peut-être été de se prendre au sérieux."
00H30
Une sémillante serveuse dépose une pizza carrée devant Brink. Il la met de côté.
"Mange Tim, ça va être froid! On peut continuer l’entrevue après."
"Man, si tu savais combien de fois j’ai mangé de la pizza froide les lendemains de shows!"
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ÉVÉNEMENT SHERBROOKLYN
L’événement Sherbrooklyn se met en branle le 8 septembre avec un concours qui verra s’affronter cinq formations de la région. Le butin? La chance de jouer avant Misteur Valaire (le 10) et la rondelette somme de 10 000 bidous (prix de consolation: la première partie de Pete Möss). Avant de téléphoner chez le preneur aux livres, examinons les forces en présence.
Alice & the Intellects (indie pop jazzy)
Force: le charme racé de la chanteuse Ariane Bisson McLernon.
Faiblesse: un brin sage, compte tenu du contexte.
Les Enfants de Cabot (rock franco à textes)
Force: une énergie communicative.
Faiblesse: un son daté.
David Goudreault (slam solidaire)
Force: le poète a été taillé dans le charisme…
Faiblesse: mais n’appartient pas au milieu de la musique.
Greenwood (blues rock Stevie Ray Vaughan-esque)
Force: les guitares des frères Boisvert.
Faiblesse: rien ici de très novateur.
lackofsleep (indie rock grandiloquent)
Force: des refrains fédérateurs.
Faiblesse: une propension à mettre beaucoup de glaçage sur le gâteau.