Festival de musique émergente en Abitibi : Correspondance rouynorandienne
Notre journaliste Dominic Tardif a mis son foie en péril lors du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue. Extraits de son carnet de notes.
Jour 1
Passwords inaugurait le festival sur la scène extérieure érigée au centre de la 7e Rue. Si leur album ne m’avait pas jeté par terre – indie rock prog-machin plutôt éthéré et désincarné -, les chansons prennent du galon en live, surtout grâce à Emmanuel Éthier, le guitariste à tout faire capable de tirer vers le haut un refrain moyen en prolongeant quelques notes avec sa whammy bar. Le chanteur est cute, si tu avais été là, je suis sûr que tu me l’aurais fait remarquer.
Puis Séba de Gatineau est arrivé à bonds de kangourou sur scène. Veston blanc, coupe asymétrique gominée, t-shirt des Ramones de chez H&M, jean étroit au possible: le rappeur nerveux comme un ressort joue sans vergogne la carte du dandy punk sapé comme un prince. C’est qu’il faut surveiller son apparence quand on annonce d’entrée de jeu que l’on ne s’intéresse pas aux belles filles dans la foule, mais plutôt aux mères des belles filles dans la foule (pour enchaîner avec Motherlover).
Jour 2
Akron/Family à l’Agora des Arts: trois barbus de New York qui tiennent vraiment à ce que l’on sache qu’ils sont "fuckés, fuckés", qu’ils n’ont rien à branler des convenances. Dommage qu’ils n’aient pas dépassé le stade narcissique, parce que lorsqu’ils prennent la peine de jouer des chansons (tsé, des couplets, des refrains), on a le goût de placer nos doigts en position devil. Ils ont des riffs hendrixiens qui torchent, des rythmes possédés façon Animal Collective, des envolées pastorales plus Fleet Foxes, mais aussi beaucoup de temps à perdre à faire la démonstration de leur anticonformisme.
Ah oui, faut aussi que je te demande: avais-tu compris, toi, que presque toutes les chansons de Grenadine parlaient de cul? Je l’ai attrapée au vol hier Chez Bob pendant le 5 à 7, la Julie Brunet, très Zooey Deschanel avec sa robe campagnarde et son béret. La teneur subtilement salace de ses paroles m’a sauté à la figure. Petite coquine. En tout cas.
Jour 3
Si je voulais que tu saisisses l’esprit qui anime le FME en une seule image, je retiendrais sans doute celle-ci: la gueule d’ahuri d’Yves Lambert se détachant de la foule au concert de Duchess Says. Je ne sais pas s’il est resté jusqu’à la fin, monsieur Bébert, je ne sais pas non plus si l’ex-leader de La Bottine-tine-tine a rigolé pendant cette cérémonie insane et défoulatoire présidée par l’inquiétante Annie-Claude Deschênes. Peu importe, son ouverture d’esprit l’honore. Même si Duchess Says est devenu assez prévisible dans son imprévisibilité, c’est toujours avec une fascination bouche bée que j’observe la toute menue Annie se garrocher à gauche, à droite, couiner comme un cochon que l’on égorge et dévisager de son regard glacial les spectateurs.
Finalement, un match parfait entre le rock bluesé et ténébreux d’Amanita Bloom et le Bar Club des chums, un établissement de seconde zone qu’investissent tout au long du week-end les festivaliers désireux de faire du tourisme de classe (class tourism) en buvant des quilles de Labatt 50. On se serait cru dans un film de Tarantino, à cause du décor du Bar Club des chums (les musiciens étaient installés entre les machines de loterie vidéo et les toilettes), mais aussi parce qu’Amanita Bloom semble avoir écrit toutes ses chansons spécialement pour qu’elles figurent sur la b.o. d’un Tarantino: orgue à la The Doors, voix caverneuse qui rappelle Nick Cave et guitares réverbérées façon Urge Overkill. Assez traditionnel dans la forme, mais très incarné, très américain.
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