Les Violons du Roy : L’énigmatique Kreutzer
Antoine Léveillée
Le titre du concert, La sonate à Kreutzer, évoque une oeuvre musicale bien connue de Beethoven. Pourtant, la neuvième sonate pour violon et piano du compositeur de l’Hymne à la joie n’est pas inscrite au programme. C’est plutôt son Quintette à deux violoncelles en la majeur, d’après la fameuse sonate, qu’on a choisi d’interpréter. À cette oeuvre s’ajoute le premier quatuor à cordes de Janacek, lui aussi inspiré par la sonate du maître allemand. Les Violons du Roy et Jean-Marie Zeitouni (photo) nous proposent ici une variation autour d’un thème, et Tolstoï (lu par le comédien Jack Robitaille) aura son mot à dire. Un rendez-vous original présenté le 16 septembre à 20h au Palais Montcalm.
La musique et ses mots
Avec ce spectacle à double entrée, l’une avec ses mots et l’autre avec ses notes, nous étions conviés à pénétrer profondément dans l’univers d’un écrivain, Léon Tolstoï, et à mieux comprendre ses états d’âme, ceux qu’il a mis dans sa nouvelle bien connue, La Sonate à Kreutzer. Si les mots de la nouvelle nous placent devant un univers mental scindé en entités irréconciliables, ceux de l’idéal et de la réalité, les notes des œuvres musicales au programme, celles de Beethoven et de Janácek, toutes deux intitulées Aussi Sonate à Kreutzer, nous en donnent toute l’ampleur. Malgré le défi personnel pour l’acteur de se présenter seul sur scène, à côté des membres d’un orchestre dont le rôle est temporairement estompé pendant la lecture du texte, ce mariage opère. La profondeur du texte n’en est que plus accentuée pendant que celle de la musique l’est tout autant.
Par ailleurs il faut souligner la performance remarquable de l’ensemble des Violons du Roy, performance rehaussée il est vrai par les qualités exceptionnelles de cette salle, cette Maison de la musique de Québec. Peut-on dire que l’on a vraiment entendu une œuvre lorsque tous les sons ne vous parviennent pas tous au même niveau de qualité selon l’endroit où vous êtes assis. Or cette possibilité existe bel et bien dans la salle du Palais Montcalm. Voilà pourquoi, malgré leurs difficultés d’écoute dans une salle moins bien dotée côté acoustique, j’ai particulièrement aimé les œuvres de Schnittke et de Janácek de même que le premier et le troisième mouvement du quintette de Beethoven. La composition de Schnittke rend particulièrement bien l’âme contemporaine et son divorce entre solitude et appartenances, ce que les deux autres compositions au programme font aussi, mais pour des époques plus lointaines, surtout celle de Beethoven.
En somme, un spectacle riche d’émotions et de belles performances.