Dan Mangan : Les grandes récoltes
Musique

Dan Mangan : Les grandes récoltes

Pour donner suite à son joli Nice, Nice, Very Nice, le Vancouvérois Dan Mangan rompt avec son personnage de Mr. Nice Guy sur Oh Fortune, un hardi troisième album à l’aura effervescente.

"Everything is changing", chante d’une auguste façon Dan Mangan sur About as Helpful as You Can Be Without Being Any Help at All, valse rêveuse qui entame le troisième album du Vancouvérois. Il n’aurait pu mieux dénicher comme affirmation. Oui, tout est changement. Il y a un peu plus de deux ans, le bonhomme aux mirettes bleu cyan et à la sempiternelle barbe d’une semaine et demie lançait dans l’anonymat quasi total Nice, Nice, Very Nice, un second album dont la douzaine de pièces justifiaient toutes le titre du disque.

C’est au fil des mois que des hymnes comme l’illustre Robots ont gagné la faveur des critiques – qui ont nommé Nice, Nice… dans la liste courte du prix Polaris en 2010 -, puis celle du public qui, en l’espace de quelques semaines, a trouvé en Mangan un nouveau messie de ce néo-folk qui s’inspire autant de Dylan que d’Arcade Fire.

Joint à Los Angeles, Mangan commente ces dernières années. "Je m’explique mal ce succès, avoue-t-il. Nice, Nice, Very Nice est sans prétention et a été enregistré avec peu de moyens. Il y a trois ans, je n’avais pas d’agent, pas de label. J’avais pas grand-chose."

Mise au fait de "l’étrange pouvoir que détiennent ces petites chansons", comme Mangan se plaît à l’expliquer, l’étiquette Arts & Crafts (Feist, Timber Timbre) a réédité Nice, Nice… l’an dernier, et c’est sous sa houlette qu’Oh Fortune est paru, deux ans après le maelström engendré par le succès de Nice.

Une collaboration qui a permis à Mangan d’engager le réalisateur Colin Stewart (Black Mountain), avec qui le chanteur de 28 ans affirme "partager une même passion pour le son", ce qui l’a amené à s’éloigner du folk quasi populiste de son prédécesseur. Ainsi, sur Oh Fortune, les ballades se métamorphosent en ténébreuses complaintes à l’esthétique blues, au chant vaporeux, aux guitares tout en reverb; les refrains réjouissants en accords majeurs se dessinent différemment, texturés et intrépides, conférant des airs de Neil Young de l’époque Crazy Horse à Rows of Houses. "Cet album a été enregistré de façon plus lente. On pouvait donc passer des heures à créer des panoramas soniques."

"Cela dit, Oh Fortune devrait rebuter ceux qui ont acheté Nice. Je suis devenu à l’aise avec ce genre d’écriture, c’est pourquoi il fallait que je tente quelque chose de nouveau, laisse tomber Mangan. J’aime les albums moins immédiats, qui ne t’agrippent par les couilles qu’à la 10e écoute, puis que tu laisses prendre une place dans ta vie."

Autre différence: Oh Fortune marque une mutation manifeste dans les vers de Mangan, qui passe de l’anecdotique aux fines observations de narrateur omniscient sur la vie. D’abord sur la sienne: "On peut facilement interpréter Oh Fortune comme étant une réflexion sur ma propre trajectoire, sur ce que j’ai pu récolter ces derniers temps."

Puis, sur celles des autres, comme sur Regarding Death and Dying. "La mort nous donne une raison de vivre et de faire du mieux que l’on peut. Je la vois positivement, comme un constant rappel que demain, tout peut s’arrêter."

Mangan conclut, après plusieurs secondes: "Autant mon écriture se révèle moins personnelle, autant Oh Fortune constitue sans aucun doute la représentation la moins édulcorée de ce que j’entends dans ma tête lorsque je pense à ma musique."

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