Duchess Says : L'ordre chaotique
Musique

Duchess Says : L’ordre chaotique

Rythmes martelés, basse grinçante, synthétiseurs abrasifs et chant démoniaque, Duchess Says resurgit avec un deuxième album en trois ans.

"Notre dernier concert en Hollande a particulièrement dégénéré", confie Annie-Claude Deschênes, l’explosive chanteuse de la non moins furieuse formation Duchess Says. "Au départ, le public était hyper froid, et dans ce temps-là, il m’arrive d’en donner davantage pour aller le chercher. Or, sans trop que je comprenne pourquoi, les spectateurs ont soudainement commencé à se foncer dedans. La salle était décorée d’installations audiovisuelles avec beaucoup de TV. Ils les ont démolies. Il y avait de la vitre partout. Ça devenait un peu trop pour moi."

Véritable bombe à retardement en concert, la jeune femme aux yeux de feu prouve qu’il y a des limites à la folie scénique de Duchess Says, un incontournable de la scène punk-électro montréalaise. "Je reste toujours surprise lorsque les spectateurs se rentrent dedans à la manière d’un trash métal, qui est beaucoup plus sauvage qu’un trash punk. À force de me lancer partout, je crée parfois quelque chose qui échappe à mon contrôle. Je me suis déjà fait ramasser par une gang de grands skinheads. Disons que ça me ramène sur terre."

Si quelques chansons du nouvel album de Duchess Says ont été écrites lors de cette tournée, la majorité des pièces d’In a Fung DAY T! ont pris naissance quelques semaines plus tard, alors que le groupe complété par le claviériste Ismaël Tremblay, le bassiste Phil C. et le batteur Simon Says s’était retiré pour composer. "L’enregistrement s’est ensuite bouclé en trois semaines, comparé à trois ans pour le premier disque. Le titre fait référence à cet état d’hypnose dans lequel nous nous sommes plongés pour produire le disque. C’est-à-dire que les étapes qui nous avaient demandé tant d’efforts lors de l’enregistrement du premier album se sont succédé sans même qu’on s’en rende compte cette fois-ci. On travaillait également avec des gens qui ont vite compris l’esprit du groupe (Adrian Popovich et Joseph Donovan du studio Mountain City)."

À l’écoute du compact, on note que le son Duchess Says, croisement entre celui de We Are Wolves et le vieux Sonic Youth, a conservé toute sa vélocité punk, bien qu’il ait gagné en nuance. "On a appris à se faire confiance, à tester davantage les idées de tous les membres. Ça se reflète dans certains choix d’arrangements que je trouve plus poussés. Avant, nous voulions surtout être directs, "dans ta face". Ces attaques font toujours partie intégrante du groupe, mais on se permet quelques écarts: on allonge des passages et les structures sont différentes, comme dans Yellow Pillow (longue pièce plus tempérée évoquant l’esprit sombre des Pixies). Ce sont des trucs qu’on n’aurait pas faits sur le premier disque."

Parallèlement, le quatuor semble délaisser cet insolite culte de la perruche, une distraction souvent mise de l’avant par le passé, au profit d’un concept plus psychologique. Derrière tout le bordel sonique Duchess Says, réside ainsi une classification plus cartésienne. "Mes textes reviennent souvent à cette image de tri. Faire du classement dans ta tête pour que tout devienne plus simple. Par exemple, L’ordre des choses parle de répartir des choses dans différents tiroirs. Dans le premier, tu as l’agonie. Dans le deuxième, l’amour. Le troisième est vide, et le quatrième est pour mon dictionnaire. Il faut juste ouvrir le bon tiroir au bon moment pour prendre le contrôle de ta vie."

Duchess Says
In a Fung DAY T!
(Alien8)