Jimmy Hunt : Le rock, c’est la santé
À la veille de son premier concert montréalais d’envergure, Jimmy Hunt discute de sa vie normale.
Le hasard fait bien les choses ce mardi matin dans un café du Mile End. Y sont attablés en même temps Jean Leloup, clopant sur la terrasse, et Jimmy Hunt, bien au chaud à notre table.
Hunt ne fume pas. Préfère regarder par la fenêtre un Leloup nerveux, gesticulant entre cinq gorgées de vin rouge. "J’aime sa façon de se déplacer. Regarde sa jambe qui zigne tout le temps. Il est toujours à l’affût. Des personnages comme Leloup, c’est précieux. On devrait lui faire attention."
Dans la jeune trentaine, Jimmy Hunt connaît bien la vie d’excès rock’n’roll, mais avec son café et ses oeufs bénédictine au jambon, l’ex-leader de Chocolat est loin du régime vin/cigarettes au déjeuner. "Je ne suis pas certain de vouloir finir comme lui", lance-t-il en pointant vers l’extérieur. Je pense que j’aime mieux vivre une vie normale, un peu comme Neil Young qui, malgré des années de vie fuckée, semble aujourd’hui bien pénard dans son ranch avec la même femme depuis des décennies."
Un an s’est écoulé depuis la parution du deuxième disque solo de Hunt qui lui vaut cet automne de nombreuses nominations autant à l’ADISQ qu’au GAMIQ. Un an qu’on réécoute en boucle les Motocross, Pont de glace et autres Everything Crash, séduit par la chaleur de ce folk aussi référencé que rendu personnel par sa voix nonchalante. Un an que Jimmy Hunt a retrouvé sa Mathilde, celle-là même dont il pleure la perte sur l’album homonyme qui aura tôt fait de ramener la belle à la maison. "Je suis un petit wise, tsé", commente à la blague le chanteur. "On s’est séparés à une période où j’étais mauvais garçon. Ça m’a fait réfléchir. Aujourd’hui, je mange bien, je lis, j’écoute de la musique et je me lève même avec ma blonde à sept heures trente le matin. O.K., je vais parfois me recoucher quand elle part travailler, mais sinon, j’adore jouer de la guitare le matin."
Titre de la première pièce d’un nouveau 7 pouces à paraître le 24 octobre prochain, la Vie normale est devenue le nouvel objectif de Jimmy Hunt. "Je fais référence à devenir un adulte et arrêter de faire certaines bêtises plutôt que de vivre pris dans un 9 à 5. Le problème, c’est que je suis assez instable mentalement. J’ai de nombreux trips éphémères. Je peux me lever avec l’envie démentielle de tout sacrer là: la musique, l’appart, l’amour. Mais je pense que tout le monde a ce genre de pensées, c’est juste pas tout le monde qui passe à l’acte."
Mais comme dans Ça va de soi, une pièce en lice pour le prix Écho de la SOCAN 2011 et adressée autant à son père qu’à sa propre personne, Hunt se méfie de lui-même car il est de ceux qui ont les couilles de tout laisser derrière. "Le trip vagabond, je l’ai vécu dès l’adolescence alors que, inspiré par Lead Belly et Woody Guthrie, j’ai quitté la maison familiale de Saint-Nicolas (près de Québec) pour partir sur le pouce en Alaska. Mon but ultime était de sauter sur un train, mais c’est pas mal plus surveillé que dans les années 30. J’ai jamais réussi, mais je suis quand même parti quatre mois. Puis ce fut la Gaspésie, où j’ai vécu un an dans un shack que j’ai moi-même construit sur une terre à bois. Il y a des jours où j’aimerais y retourner."
Cette idée de liberté reviendra lorsqu’on parlera musique, du Français Philippe Katerine en particulier. "Sur son dernier disque, Katerine va tellement loin qu’il se libère du carcan de la chanson, un carcan dont j’essaie aussi de m’affranchir. Au Québec, si tu fais de la chanson en solo, tu entres dans l’univers des auteurs-compositeurs-interprètes, un monde assez conservateur où il faut respecter certaines règles, comme mettre la voix à l’avant-plan pour être certain qu’on comprenne bien les paroles. Avec Katerine, les règles tombent. Il rappelle que c’est juste de la musique et des mots. À la limite, ça peut être un seul mot qu’il répète pendant toute une chanson. Il s’évade complètement, et je ne veux pas me sentir limité non plus. J’aurai toujours une base folk à cause de mes origines, mais dernièrement, j’ai commencé à travailler avec Christophe Lamarche d’Organ Mood qui fait dans la musique de synthétiseurs. Qu’on ne s’attende pas à ce que je serve dans la chanson toute ma vie." À voir si vous aimez /
Bob Dylan, Robert Charlebois, Jean Ferrat