Caracol : Fleur de neige
Caracol saupoudre sur les coeurs un Blanc mercredi, deuxième album d’une beauté qui éblouit comme la lumière du soleil reflétée par la neige.
"J’ai fait un rêve une nuit, je courais pieds nus dans la neige, mais je n’avais pas froid. Je cherchais celui que j’aime dans une tempête. Je ne gelais pas. On était bien. C’était le fun", se remémore Caracol, en retraçant la genèse de Je volerai ton baiser, une des amusantes chansons gamines que compte son deuxième album, Blanc mercredi.
Pas de dépression saisonnière dans le rétroviseur pour Carole Facal, donc, ni de déprime de février à appréhender pour qui se laissera bercer par ce disque couverture de laine dégageant une chaleur proprement hivernale, une de ces chaleurs acquises de haute lutte que l’on chérit et dans laquelle on se love. "Je trouve que c’est un album qui est plus positif que L’arbre aux parfums [son précédent], que j’avais écrit dans la colère. Là, j’étais en paix, j’étais dans un cocon. L’hiver apporte un silence, permet de fouiller sa vie intérieure. Je n’avais pas envie que ce soit un album sombre. J’avais envie de faire un contraste." Et contraste il y a, tant dans les textes que dans les arrangements feutrés, tissés de cuivres caressants, d’harmonies vocales scintillantes à la Shangri-Las et de xylophones (gracieuseté des élèves de l’école Le Plateau, à Montréal).
Que faire alors de ce titre vaguement saugrenu? Qui aime les mercredis à ce point? "Pendant trois ou quatre semaines de suite, l’hiver dernier, je composais le mercredi, et il y avait inévitablement une tempête… le mercredi", justifie-t-elle simplement, comme pour dire qu’on ne s’obstine pas avec la synchronicité.
Voilà pour les explications météorologiques. En voici d’autres, plus singulières: "J’ai eu une petite fille l’année passée. Elle s’appelle Nina. Mais tu sais, dans The Addams Family, il y a petite fille qui s’appelle Mercredi. Comme j’aime la sonorité du mot mercredi et que j’aime la petite fille dans The Addams Family, j’ai souhaité prénommer ma fille comme ça. Je savais, bien sûr, que ça ne passerait pas avec mon chum (rires). Pour le titre de mon album, il n’avait pas un mot à dire!"
SOUS PRESSION
Son père la surnommait "la locomotive". Nous, on voudrait baptiser Carole Facal "la Patrick Roy de la chanson québécoise" (ndlr: c’est un compliment!) à force de l’entendre raconter comment la pression agit sur elle comme un révélateur. "Pour moi, la musique, ça se rapproche beaucoup du sport. Il y a quelque chose de l’intensité et du dépassement sportif que je retrouve dans ce que je fais", confie l’ex-planchiste de compétition.
Voyez ce qu’on veut dire. "Chacun des détours en valait la peine / Comme les certitudes sont belles", chante-t-elle dans la tonique Certitudes. Bel aveu d’amour immunisé contre les écueils du temps qui passe, lui dit-on. Mais ce n’est pas exactement ce qu’elle avait en tête: "Il manquait une chanson en français pour l’album [qui en contient trois en anglais], la date de tombée approchait. Une sorte de panique s’installait. Il fallait que j’aie un flash. Je me suis donc projetée dans l’émotion qui m’habiterait si j’avais sprinté, sprinté, sprinté et que j’étais parvenue au fil d’arrivée. Je me suis construit de toutes pièces un sentiment de satisfaction. Je me suis imaginé que j’avais fini d’écrire mon album et que j’étais fière de mes efforts. Pis c’est comme ça que j’ai fini d’écrire Certitudes. Tu me suis-tu?"
Elle aura sprinté presque autant pour pondre Quelque part, à la demande de son ami David Laflèche (le guitariste cherchait désespérément une chanson capable d’épouser une scène de la comédie arrache-larmes Starbuck). Même frénésie pour Beauté terrible, l’hymne à la grandeur du monde qui clôt l’album: "Après le tremblement de terre en Haïti, on m’a demandé de participer à un spectacle-bénéfice. Je voulais le faire, mais je sentais le besoin de chanter quelque chose de spécial. J’ai écrit la chanson dans les jours qui ont suivi. Elle a une place spéciale dans mon cour. Elle porte une mélancolie, j’y fais le constat de la destruction, mais en même temps, il y a de l’espoir."
Dernière question avant de laisser aller la voix cristalline à son rythme de vie effréné: dans quelles conditions suggère-t-elle d’écouter son album? "Mettez-le dans votre iPod, sortez vos gros écouteurs hi-fi et allez vous promener dans une tempête. Pas une grosse tempête, juste une belle petite tempête relax. Moi, pendant l’écriture, j’allais marcher dans la neige avec mes chansons dans la tête." Ne manquera plus qu’un amoureux à qui chuchoter: "T’as un trou dans ta mitaine."
Caracol
Blanc mercredi
(Indica)
En magasin le 18 octobre
À écouter si vous aimez /
Emily Loizeau, Emily Haines, She & Him