Gilles Vigneault : Fontaine de mouvance
La parution de Retrouvailles 2, un deuxième album de duos pour Gilles Vigneault, nous sert de prétexte pour discuter de Fred Fortin et Dan Thouin avec le monument de la musique d’ici.
Bien qu’on l’associe encore à son village natal de Natashquan, Gilles Vigneault vit depuis plus de 40 ans à Saint-Placide, tout juste à l’ouest d’Oka. En plus d’y posséder une grande maison au bord du lac des Deux-Montagnes, la légende vivante de la chanson québécoise y a racheté un restaurant abandonné pour y établir son quartier général.
Dans l’ancienne salle à manger transformée en local de répétition, traîne une série de récompenses. Prix pour son apport à la langue française, vieux trophées de l’Académie du disque datant de 1962, un Félix. "Celui-là, il ne m’appartient même pas. C’est un ami qui me l’a prêté car je n’ai jamais rien gagné au Gala de l’ADISQ. On m’a remis un prix hommage, mais aucun trophée régulier", lance Gilles Vigneault sans la moindre once de rancune, bien que souriant de la situation.
Il aura 83 ans le 27 octobre. À travers le bleu perçant de ses yeux vit cette vivacité d’esprit qui lui a si bien servi pendant ses 50 ans de métier. Où trouve-t-il la forme? "Je la puise chez les autres. Notamment chez vous, les jeunes." On lui a tellement posé la question que sa réponse est devenue un cliché, mais à l’entendre parler de Fred Fortin qui chante avec lui la pièce Zidor le prospecteur sur son deuxième album de duos, Retrouvailles 2, on mesure toute la justesse de l’énoncé.
"C’est Daniel Thouin, le réalisateur du disque, qui m’a proposé de faire un duo avec Fred Fortin. Je ne le connaissais pas, mais on m’a dit qu’il s’accompagnait à la guitare et à la batterie. J’ai découvert un jeune chanteur très talentueux. D’ailleurs, mes fils Benjamin et Guillaume m’ont dit à quel point c’était formidable d’avoir Fred Fortin sur le disque. Qu’il rejoindrait un public plus jeune. C’est un gars bien sympathique avec qui on peut rigoler. Bon musicien en plus. On est vite tombé en amitié."
Les Daniel Boucher, Clémence DesRochers, Marc Hervieux, Daniel Lavoie et Renée Martel, pour ne nommer que ceux-là, participent également à l’album qui succède au premier volume paru l’an dernier, un disque vendu à plus de 40 000 exemplaires. Au rythme où vont les choses, il ne faudrait pas s’étonner de voir Vigneault lancer le troisième tome l’an prochain. "Je fonctionne toujours de la même manière. Daniel Thouin et moi enregistrons une première version des chansons piano/voix. Nous les envoyons aux duettistes avant d’entrer en studio. Je suis toujours amusé de voir quelles pièces choisissent les invités. C’est sûr qu’avec un répertoire de 400 chansons et plus, ils ont beaucoup de choix, mais ce sont rarement les plus connues qu’ils sélectionnent. Clémence voulait chanter Tombée la nuit! Je l’avais oubliée celle-là, pour les mauvaises raisons. Pierre Flynn a choisi La nuit, et Claude Gauthier, Je n’ai pas cessé de t’aimer, une chanson parue il y a deux ans seulement. Un disque de duos, il faut presque le laisser se composer lui-même, se laisser guider par les autres."
Sur les planches du Gesù cette semaine, Gilles Vigneault soulignera jour pour jour le cinquantième anniversaire de son premier récital solo à Montréal, dans ce même Gesù. "C’est un clin d’oeil au passé, et je suis bien content de le faire accompagné seulement de Dan Thouin au piano, parce qu’il est beaucoup plus Bill Evans que je ne suis Tony Bennett."