Grand Corps Malade : Au-delà du slam
Voir laisse la parole aux slameurs de Sherbrooke pour questionner celui qui a ouvert la voie, Grand Corps Malade, qui s’amène au Québec avec quatre musiciens.
Mathieu Proulx: Que répondez-vous aux gens qui vous demandent ce qu’est le slam?
Grand Corps Malade: "Hola! (rires) Chaque fois, j’explique que ce n’est pas un disque de Grand Corps Malade – en France, certains font ce genre de raccourci. Un slam, c’est un moment de scène ouverte, où tout le monde peut accéder au micro, pour le plaisir de partager un texte avec un public. Le seul vrai principe du slam, c’est que c’est a cappella."
Avant que vous imaginiez faire carrière, est-ce qu’une personne en particulier vous a ouvert les yeux quant à vos talents artistiques?
"Je me suis découvert cette fibre artistique assez tard, vers 25 ans, grâce au contact avec le public. Il y avait un échange, les gens écoutaient bien mes textes, j’avais des retours plutôt sympathiques… C’est l’auditoire qui m’a fait prendre conscience que ça pouvait marcher."
Marianne Verville: Après trois albums et de nombreuses tournées, est-ce que les compétitions de slam vous manquent?
"L’intérêt des scènes slam, c’est d’avoir plusieurs anonymes les uns après les autres. Moi, quand j’arrive sur une scène, je suis regardé comme Grand Corps Malade, comme celui qui a sorti des albums. Arriver de nulle part et monter sur scène comme les autres, ça arrive que ça me manque un petit peu."
Anny Schneider: Dans la réalité actuelle, croyez-vous que le slam-poésie puisse être un instrument de changements sociaux?
"Le slam, c’est du lien social. Sur les scènes, il y a des gens très différents qui se succèdent, qui s’écoutent, qui s’applaudissent, qui se disent bravo, et puis des fois, ils prennent le métro ensemble. Cette écoute, elle est rare dans notre société. Ça ne change peut-être pas le monde, mais ça fait du bien."
Frank Poule: Dans vos textes, vous évoquez beaucoup le pouvoir de la parole et de l’écriture. Vous semblez plus discret quant à la poésie. Quel est votre rapport à la poésie?
"Je ne pourrais pas vous citer des textes entiers de Verlaine, Rimbaud ou Baudelaire. J’ai découvert la noblesse du mot poésie grâce au slam. Sa force, c’est cette oralité, le fait que cette poésie devient vivante. On la transmet entre une bouche et des oreilles."
Vous avez prêté votre plume à plusieurs histoires de la banlieue d’où vous venez. Maintenant que l’enfant de la ville est devenu un artiste international, vos histoires sont-elles teintées de ce nouveau rapport au territoire?
"Sur mon dernier album, j’ai fait un texte qui s’appelle À Montréal. Je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas eu la chance de voyager. Le fait de rencontrer plein de gens, ça ouvre un peu l’esprit. Mais même si ma vie a changé, j’essaie de ne pas me couper de ce qui m’a nourri, c’est-à-dire mon territoire, ma ville, les petites scènes slam, les ateliers d’écriture…"
Sophie Jeukens: Vous avez eu la chance de faire entendre votre poésie à travers le monde. Quels sont les lieux qui restent à conquérir?
"J’ai fait un seul concert en Afrique – au Mali, à Bamako. J’aimerais vraiment retourner là-bas. Et puis, je suis très heureux de faire une tournée au Québec. Ça aussi, c’est un nouveau territoire."
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