The Barr Brothers : Or en Barr
The Barr Brothers, ou comment le transfert de deux frères américains a changé Montréal.
Le nom des Barr Brothers, dont l’excellent premier opus homonyme lancé l’an dernier vient tout juste d’être réédité par le label Secret City, vient avec certaines résonances.
Bien connue est l’histoire voulant qu’Andrew, batteur et frère cadet, ait fait la connaissance de sa future épouse sur le trottoir du boulevard Saint-Laurent alors qu’un incendie ravageait le défunt Swimming, où il se produisait et elle était spectatrice juste avant les flammes. Ainsi s’amorcerait le transfert du clan bostonnais (Andrew d’abord et Brad, le guitariste, deux mois plus tard) vers notre cité, en 2005. Ou l’histoire de la rencontre de Brad et Sarah Pagé, future harpiste du groupe: voisins d’immeuble, il l’entendait répéter à travers les murs, jusqu’à ce que les SANI (sonorités angéliques non identifiées) infiltrent sa propre musique. Andrew et Sarah ont accompagné feu Lhasa sur ses derniers milles; Brad, Marie-Pierre Arthur…
Tout cela ne dit pas comment les deux frères sont passés de The Slip, leur projet indie rock d’alors, à l’hybride folk-blues-world des Barr Brothers. "Ça a été une sorte de transition inconsciente", explique Brad, entre deux grognements contre le vacarme de la construction dans Parc-Ex. "Je n’ai même pas réalisé que c’était en train de se passer. C’est le résultat d’avoir déménagé ici alors que je n’y connaissais personne, d’avoir écrit ces chansons qui reflétaient mon dépaysement et mon besoin de tirer un sens de tout ça… The Slip, c’est comme manger sa nourriture favorite. C’est un monde très familier. On l’a fait pendant 15 ans, Andrew et moi, et on le fait toujours. Ça reflète un côté différent de nous. C’est une grosse production rock. Les Barr Brothers, à cause de la harpe et de la nature du groupe, c’est un projet plus acoustique. Les deux répondent à des besoins créatifs différents."
Le véhicule a beau porter leur nom, les deux frères ne sont pas les seuls maîtres à bord. "C’est une démocratie dans la mesure où les autres veulent s’impliquer. Andrew et moi avons pris beaucoup d’initiatives, en plus d’avoir pris la plupart des décisions sur le plan de la réalisation, de la business… C’est un équilibre qui convient aux autres, mais Sarah s’exprime beaucoup sur plusieurs aspects, surtout la musique", précise Brad à propos du patronyme, resté après que le groupe se fut aussi appelé Berithen Berio et Superlittle, avant l’arrivée du contrebassiste Andres Vial. "Au moins, on sait qu’on ne pourra pas se lasser de ce nom-là!"
Tous deux virtuoses à leurs instruments respectifs, Brad et Andrew ont jadis fait un bout de chemin au Berklee College of Music de Boston. Si le jazz n’est pas une influence manifeste dans leur musique, il s’agit tout de même d’un moteur important. "J’ai une définition très large de tout. Je n’ai pas joué de guitare jazz proprement dite depuis longtemps, mais quand je construis un solo, je pense vraiment à tous les éléments qu’il doit comporter. Du coup, la fibre d’une de nos chansons comme Devil’s Harp n’est pas différente de celle d’un standard jazz comme All the Things You Are. Il s’agit de créer un bel arc, de raconter une histoire et d’inciter l’auditeur à la suivre. Ce qui est aussi la mission du jazz."
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